Ce matin, en préparant le jardin pour l’année prochaine – apport de fumier – je regardais mes pieds de courgettes. Le potager avait souffert de la sècheresse, il m’en reste deux que j’avais laissés se débrouiller avec la canicule. Les dernière pluies ont réveillé les plantes envahies par de hautes herbes.
En voyant ce regain, j’ai découvert sous les feuilles épanouies et bien vertes, sept courgettes juvéniles, presque toutes de la même taille. L’idée m’est venue de soulager la plante pour donner plus de chances de grossir, aux autres fruits. J’ai donc prélevé les deux plus belles mais encore bébés, plus tout à fait nourrissons.
Lorsqu’on cuisine et qu’on est vaguement jardinier, les idées germent spontanément à la vue de ce que l’on trouve en visitant les légumes.
Deux petites courgettes, donc, ont suffi.
L’une débitée en lamelles façon lasagnes et l’autre en rondelles fines. L’huile d’olive était chaude, un plongeon dans la poêle et quelques coups de poignet pour faire sauter le tout. Une cuisson rapide à feu vif contrôlé pour conserver le croquant et la couleur bien vive. Une persillade en pluie fine et le tour était joué.
Les pâtes al dente plongèrent allègrement dans cette poêlée et se cabriolèrent dans la verdure légèrement assouplie. Avec un autre tour de poignet expert et malicieux, spaghetti, lamelles et rondelles se faisaient moult mamours, se lovaient, s’enlaçaient avec un plaisir de gourgandines en folie.
Un filet d’huile d’olive, une pincée de fleur de sel, une neigée de fromage râpé et déjà, les papilles alléchées se mettaient à savourer par avance. La langue anticipait le petit grain de sel, la dent allait le faire exploser et le palais s’apprêtait à recevoir la bénédiction saline … L’annonce était divine.
Si l’appétit vient en mangeant, le plaisir vient en l’imaginant, en l’anticipant.
Voilà, je vous l’assure, ne négligez surtout pas ces moments annonciateurs de petit bonheur. Un jardinier cultive son potager, il bichonne ses émotions à la farigoule, la nepeta ou la marjolaine. Il sait sur quelle note faire danser ses papilles, ses pupilles pétillent et son sourire coquin pampille.
Ah ! Quel bonheur de faire chanter ses envies, de sonner les matines bien avant la grande volée annonciatrice d’une messe solennelle.
Un rien vous allume et vous êtes aux oiseaux ! disait ma chère québécoise Monique. Elle avait bien raison et détectait la moindre malice timidement cachée au cœur d’une phrase, la moindre lueur planquée au creux de mes mots.
La semaine dernière c’étaient les ciboules et le piment d’Espelette, bientôt ce sera une sautée de tomates cerises à peine poêlées ou des Roma séchées au four à bois.
C’est simple comme on aime la vie et rapide aussi.
Ah ! Rapide, la fofolle, elle cavale, regardez-là filer !
Faites-lui la fête, elle oubliera peut-être de se précipiter…
Il me restait des feuilles de brick, une envie d’aumônières pour le soir. Une compote légèrement sucrée et vanillée de pommes, fraises et une banane. J’ai fermé mes petits paquets un peu à la sauvage en les attrapant par le col sans faire dans la dentelle. Vous pouvez faire mieux, j’étais pressé. J’ai bien beurré la collerette, le reste l’était déjà, puis vint le passage contrôlé sous le grill à four chaud, quelques minutes seulement. Et paf ! Une autre envie naissait de cette image.
Voilà encore une belle journée… je prépare déjà, en secret, l’été 2023 en imaginant une année sans trop de sècheresse.
J’ai mes p’tites idées.
Qui a dit « passéiste ? » Vous voyez bien que je me projette, parce que j’aime la vie.
Mon ami Yvon sera de retour la semaine prochaine, j’ai déjà mes idées de repas et de plaisirs à redire, à revivre car sans doute ce sera la dernière fois qu’il me rendra visite, c’est lui qui l’a dit…
Le temps, le temps s’en va et ne nous attend…