Chippendales no for the piperade.

La photo est plutôt flatteuse. J’ai gardé les plus présentables.

Je vous avoue que je ne suis pas certain que mon titre soit correctement rédigé. Vous allez rire, j’ai horreur de l’anglais, le fuis comme la peste. De mon temps on apprenait l’italien et rien d’autre… et puis, j’ai eu cette vision, j’ai demandé secours à Google.

« Qu’est-ce qu’il va encore nous sortir ? »

Voilà la question qui se pose. Ne dites pas non, certains l’ont pensé très fort.
Comme toujours, je vais simplement vous parler de la vie.

C’était une fin d’automne, quelqu’un me portait un panier de ses derniers légumes.
J’appelle cela les produits du jardin ami, chacun fait plaisir à l’autre à sa manière.

En voyant ces légumes biscornus, torturés, carencés en apparence, presque rachitiques, les aubergines notamment qui semblaient s’être recroquevillées sous l’effet de la sècheresse, me vint un sentiment de pitié.
Les poivrons, petits, guère plus grands qu’un abricot mais nettement plus ridés et creusés, offraient une chair minimale.
Très peu de muscle mais, oh surprise, un parfum sublimé à la coupe.

C’est à ce moment que l’idée des chippendales m’est venue instantanément, sans aucune réflexion préalable. J’ai pensé à ces légumes de rêve qui affichent une vitalité peu commune, une brillance incomparable à faire craquer plus d’une ménagère de passage dans les rayons d’un supermarché.
J’imaginais ces poivrons chippendales faisant ressortir leurs muscles lustrés, leur peau lisse et douce au toucher à tenter la plus froide des cuisinières et même le plus rustique des cuisiniers.
On s’extasie devant une telle santé apparente.
On caresse, on tâte, on rêve puis on se laisse faire. On craque et hop ! Dans le panier !

Pourtant tout le monde le sait, ils sont gorgés « d’amphétamines », je veux dire qu’ils sont dopés. Leur chair épaisse, qui respire la bonne santé à tenter la couverture d’un magazine, n’exprime qu’un très faible fumet et libère beaucoup d’eau. De la flotte au prix fort. Ça pèse H2O et ça nourrit les grandes surfaces, comme les intermédiaires, en monnaie sonnante et trébuchante.
Le plus triste est de constater qu’on se laisse toujours avoir, c’est un réflexe acquis, une sorte de réaction pavlovienne presque inévitable. C’est étudié pour, les apprentis sorciers sont là pour ça, pour la santé des gros porte-monnaie.

Ce matin, je regardais les poivrons multicolores de mon panier offert. Des gringalets, mais pas tristes du tout finalement. J’avais l’impression qu’ils avaient envie de converser avec moi :

– Allez ! Fais-nous sauter ! Emmène-nous au bal ! Bouge-toi ! Fais quelque chose !
– Bon d’accord, je vais vous tourner en piperade.
– En quoi ? Me lança le plus ancien, tout rouge.
– Tu vas voir c’est sympa la piperade, on l’adore en la découvrant toute « entomatée ». Pour mon goût, je vous relèverai d’une pointe de piment d’Espelette, ça va vous piquer un peu mais vous chanterez sur les papilles.

Voilà la brève conversation que nous eûmes.
J’ai eu la nette impression que mon idée leur convenait car à la coupe, ils m’ont pulvérisé une bouffée de parfum à la fragrance poivron des champs.

– Tu sens ce parfum du midi ?

C’était sympa et prometteur… pas comme ces prétentieux qui paradent dans les cageots, font les beaux et puis se dégonflent en eau plate.

– Laisse tomber les chippendales, c’est de la gonflette, vive les gringalets de nos jardins !

Ah, ils étaient remontés, c’est tout juste s’ils ne me demandaient d’aller manifester avec eux entre les rayons d’un grossiste des quatre saisons toute l’année.

Ma base piperade est prête, il me reste à discuter avec le riz basmati et quelques cuisses de poulet qui passeront sans doute au four pour « croustille »…
Les petites filles adorent manger les pilons façon préhistorique.
La tenue en massue ou en gourdin de la guerre du feu les amuse beaucoup.

Voilà ma base, le reste c’est mon affaire.

Le petit plus du jour :

Le blues ou l’étonnement d’un trou de serrure :
T’as encore paumé la clé ?

8 Comments

  1. je le savais : si j’ouvrais votre page en fin de matinée c’était une erreur !!! j’ai faim maintenant, mais je n’ai que des poivrons picard (je sais, j’ai honte 🙁 )

    1. J’ai préparé une petite mixture pour des pâtes.
      Bon, pour cette fois ça va vous vous êtes confessée.
      Trois « Je vous salue », vous êtes dispensée de « Notre père » réservé aux consommateurs de poivrons chippendales.
      Bonne journée.

  2. La clef du bonheur n’est pas dans la serrure mais dans le texte 🙂
    J’ai la chance d’échapper aux chippendales du supermarché et de prendre mes légumes sur le marché, chez des gens qui cultivent eux-mêmes. Et chacun sait que les petits racornis tout moches tordus sont les meilleurs, que ce soit des légumes ou des fruits.

  3. Oh oui, vive les gringalets des terroirs dont chaque bout de chair a été formé au combat de vivre. Ils la savent la vie, eux : ils ont la fierté de ceux qui avec si peu, ont dépassé toutes ses rudesses et profité goulument de toutes ses douceurs.
    C’est là tous leurs parfums, leurs saveurs, unique chacun. Quand ils font conversation, ça fait la différence !
    Ah, c’est vrai, la serrure m’a parlé à moi aussi … elle grinçait des crans, la vieille ! Mais Dieu qu’elle est belle !

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