Litté…rature.

Longtemps, mon esprit a été pollué par mon côté cartésien.
Il n’y pas mieux, en littérature, pour ennuyer le monde, que la bride rationnelle.
Un peu à l’image de l’aphorisme de Confucius : « Nous avons tous deux vies, la deuxième commence lorsque on se rend compte qu’on n’en a qu’une » je me suis libéré, très tard de ce carcan, en me débarrassant de ces entraves.
C’est un peu ça, j’ai mis du temps à comprendre que pour vivre libre, il faut lâcher l’imaginaire plutôt que se brider avec le rationnel.

Je pratique désormais la litté…rature, une sorte de déraillement perpétuel, évitant les chemins battus, allant vers déraison plus que par raison. Les mots surgissent comme des diablotins en faisant des pieds de nez à toutes les règles du vocable précis. Ils se tordent parfois et rigolent au nez du lecteur qui sourit ou fait la moue.

J’aime la gambade dans le temps, les chemins tordus qui jalonnent la vie. Un sentier broussailleux me rappelle soudain mon adolescence… Je m’en vais revisiter ces endroits devenus impraticables car ils sont moins courus, mes pas, désormais plus laborieux, hésitent à les parcourir.
Le danger est omniprésent alors qu’il était ignoré naguère. La conscience a pris le pas sur l’inconscient, non pour être sage, mais pour savourer encore ce qui peut l’être. Le rêve est éveillé, cultivé, cent fois reconduit ou renouvelé.

Les ronciers avaient poussé à la faveur de pluies récentes. Très vite, trop vite et constituaient autant de barrages qui m’obligeaient à faire de grands détours pour accéder au ruisseau. Avant, je fonçais au risque de zébrer mes jambes de griffures profondes infligées par les sauvages épines toujours sur la défensive.
Aujourd’hui, je prends mon temps pour approcher le bord de l’eau pourtant à quelques pas seulement de mon regard. Et puis, parvenu à l’onde qui chemine faiblement, je m’aventure sur des rochers émergés afin de repérer le meilleur point de vue pour un cliché. Parfois, un gros caillou que je prends pour appui sûr, bascule, mon équilibre précaire m’oblige à mettre pied à l’eau pour ne point tomber. A chaque pas, je risque la chute et la rupture de ma prothèse de hanche qui menace de se déboiter.
J’y vais tout de même, je sais et je nie, j’ai confiance en moi, mes pas ne sont plus fiables.
Un conflit éclate entre volonté de vivre libre et la conscience d’un danger permanent.
Sans doute, un jour, ce sera la catastrophe, le splash, visage écrasé sur un gros galet…
Les secours arriveront-ils à temps ?
Pour quoi faire ? Rester alité ?
Demeurer assis dans un fauteuil roulant ? Il faut avoir le vivre bien accroché à l’âme pour s’en accommoder !
Il ne me restera plus, alors, que mes pensées pour gambader dans ma tête et raconter mes idées folles qui circulent encore sur les chemins chaotiques et broussailleux…
Litté…rature fait rêver et ces ratures ne sont que grains de beauté de l’écriture.

Rêvons :

Voyez toutes ces pierres roulées sur lesquelles je zigzaguais pour me déplacer.
Ce n’est rien, c’est ridicule, mais très piégeux pour celui qui a pris de l’âge..

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