La personne qui a lissé mon visage sur cette image et m’a renvoyé la photo en disant « C’est mieux comme ça » n’a pas imaginé que ce cliché pouvait m’expédier dans le passé.
C’était un clin d’œil amusé.
En regardant ce cliché mâtiné de passé et de présent, de moi jeune et de moi âgé, de juvénile frimousse encadrée par une barbe blanche, me voilà catapulté dans le temps ancien. Le temps de mon passage à l’université niçoise lors de ma période de presque SDF. J’errais ne sachant où dormir et où manger, en évitant d’être un pique-assiette.
Joséphine, la maman de mon ami, m’invitait à passer souvent chez elle le midi, elle me nourrissait. Elle épépinait les tomates en disant que son fils les aimait ainsi, sublimées par l’huile d’olive de Sollacaro son village d’origine. Elle était aux petits soins et souriait beaucoup, elle riait, même, en réagissant à mes mimiques de candide, s’amusait de mon visage poupon, elle m’appelait « Bébé Cadum ».
Voilà à quoi m’a renvoyé cette image en titre.
Le jeune poupon errait, faisait quelques menus travaux de balayage – tiens, comme mon père – pour se nourrir à minima.
Je filais au bar chez Jacques sur le chemin de la fac et commandais deux œufs mayonnaise, c’était tout ce que je pouvais payer. En fait, les deux œufs n’étaient qu’un œuf coupé en deux mais il y avait bien deux feuilles de salade. On m’installait dans un coin tranquille où je pouvais vivre ma solitude en toute quiétude. Parfois, la Laurette du bar niçois me servait une blanquette de veau avec du riz, c’était jour de cocagne pour le prix de l’œuf. Je partais discrètement, adressant un sourire au passage après avoir posé ma piécette sur le comptoir. Les bistrotiers avaient tout compris et agissaient en silence sans déranger le moins du monde leur labeur coutumier…
Un autre petit malin m’adressa un jour cette photo.
Il m’avait catapulté dans l’autre temps en disant : Voilà comment tu seras à cent ans !
A cent ans ? Bigre !
Ces deux personnes ne se connaissent pas et ne se doutaient guère qu’elles pouvaient, par ces envois anodins, réveiller toute une histoire.
« Moi je » signifie dans mon esprit, « moi jeu« , « moi je joue« , « moi je gambade » et non un vilain égo.
Je me fiche du narcissisme et de ceux qui le comprennent ainsi.
– Ego égo, le moi, ça va ça va !
– Qui a dit ça ?
– Ben c’est le Ça ! Qui t’entraîne dans le plaisir de l’écriture sans juger.
– Ah parce qu’il y a un juge alors.
– Oui, le « Surmoi » qui veille à la morale.
– Ah bon ? Y a -t-il un Soumoi, un sous-mi, un soumis ?
– Je l’ignore, c’est silence à son sujet.
– C’est pour cela qu’on ne l’entend pas, il est super discret, effacé, totalement effacé.
En terminant ce passage, sans doute tout en tautologie puisqu’il répète la même vie en changeant très peu le contenu et la forme, j’entends une musiquette.
Se sont les hiboux qui se marrent et, une fois de plus, me chambrent.
Pauvre Simonu !