Si un jour…
Un jour proche ou lointain, je venais à fréquenter exclusivement tonton Alzheimer, si je venais à perdre le sens des matins et des nuits, si je plongeais dans une autre vie, ne me faites ni risettes ni mamours, ne me renvoyez pas à la maternelle.
Si un jour, je venais à ne plus rien confondre, à voguer dans l’informe ou l’uniforme, à ignorer que vous êtes là, à ne plus savoir que je suis ici, à me perdre dans un autre monde où la vie n’existe plus, sachez que c’est la fin d’une histoire, vos larmes et votre tristesse n’y pourront rien.
Gardez le sens de la vraie vie.
Si un jour, l’être que je suis devenait chose, ne me posez pas comme un bibelot sur une chaise longue ou roulante ni dans l’illusion d’un EHPAD, n’ayez aucun scrupule, envolez-moi, envoyez-moi, expédiez-moi…
J’aurai perdu le vivre, vous me croirez dans un autre rêve pour soulager votre conscience.
J’aurai perdu le temps, ne perdez pas le vôtre.
Devenu inutile, à ne plus savoir vivre, à encombrer votre chemin.
Ne tardez pas trop, envoyez moi à travers ciel au père éternel, unissez-vous contre la culpabilité, agissez ensemble, je vous l’ordonne, j’en prends la responsabilité, poussez-moi et j’irai visiter l’autre face des coquelicots.
Je ne serai pas bien loin, vous aurez plein d’images.
Dans un champ ponceau, au pied d’un royal pavot, je vous attendrai dans la patience de l’après temps.
Je rêve du pays de la non béatitude où les papavers sont autre chose, je rêve du pays où l’on ne sait plus rien, je vous offre ces petites choses que je transformais pour vous lorsque j’étais vivant, je savais encore dire des choses…
Dans la vie où l’on gambade allègrement sans se soucier de la trappe qui nous attend, c’est juste un peu de temps…
Un tout petit bout de temps, à quoi bon gaspiller vos joyeux instants ?
Papaver = autre nom du coquelicot
Ponceau = couleur rouge vif du coquelicot
magique ce post simon. Quand à vous « envoler » plus facile à demander qu’à faire…. c’est la hantise des personnes qui avancent dans l’âge, mais on aimerait toucher du doigt la seconde où tout bascule ou après laquelle on ne maîtrise plus rien………
Si je peux me permettre, le champ de coquelicots est déjà pris par Mouloudji 😉
Belle journée et d’autres à venir. Aloïs n’est pas encore là
Mouloudji me pardonnera de venir dans son champ ponceau…
Facile à dire, oui Gibu et c’est dommage. 🙂
Merci, bonne journée.
Une de vos plus belles pages, un poème en prose très fort et des images superbes !
Ils ne sont pas mal non plus « là-bas », les coquelicots 😉
J’ai eu ce sentiment d’impuissance hier soir tard, ce matin, j’écrivais et je ne me suis pas aperçu qu’il s’agissait d’un poème en prose.
Je comprends maintenant.
Merci d’illuminer mon champ ponceau 😉
Zut, les pampaghjoli, voulais-je dire 🙂
Papaveri en italien d’où « papaver », j’imagine.
Pampasgiolu on ne l’entend plus, votre commentaire me donne une nouvelle idée, réveiller des expressions disparues, j’en ai repéré quelques unes.
Je l’entends parfois ici, de la part de personnes qui depuis longtemps n’ont plus 20 ans.
Je comprends, il y a eu une relance sur Facebook, il y a un an ou deux sur les noms « perdus ».
Les gens se plaisaient à le redire…