Lorsqu’on a la mémoire solide et l’imagination fertile, l’inconscient s’amuse comme un petit fou. Il invente des histoires abracadabrantes et parfois plus, abracadabrantesques.
Je me demande pourquoi.
La nuit dans le secret du sommeil, l’inconscient en profite pour sortir comme un goupil malin attiré par l’odeur de géline. Il doit avoir une faim de loup, c’est son heure préférée. Tout loisir est pour lui de fouiner dans la nuit tranquille sans être trop dérangé. Il commence par s’avancer sur la pointe des pieds, prépare son coup en douceur pour ne pas vous réveiller et se faire surprendre.
Si vous ouvrez l’œil et qu’il vous devine en alerte, il file, disparait un moment, s’évanouit dans un coin de l’éveil, tapi dans l’ombre et silencieux en attendant les prochains ronflements.
Dans la journée, l’inconscient fait quelques incursions rapides sans trop s’attarder, toujours par surprise. La brièveté de sa manifestation n’en est pas moins marquante. Il apparait masqué sous forme de lapsus linguae ou calami. Cette dernière forme observée à l’écrit est vite démasquée et rectifiée par l’auteur, la première trahit les instincts profonds, plus sournoise, n’échappe guère à l’interlocuteur attentif. Parfois, c’est l’acte manqué qui se révèle par une présence plus théâtrale.
Comme tout un chacun, j’ai mon inconscient oisif dans un coin du cerveau, toujours à l’affût, prêt à me raconter des histoires dont je ne connais jamais la signification.
Que dit-il ? Dans quel but le dit-il ? Je l’écoute, je l’entends mais je n’en sais rien.
Joue-t-il un rôle ? Sans doute, celui de nous rappeler nos travers faussement oubliés qu’on ne saurait voir. Mais pas toujours dans ce sens, ce n’est point évident, pourquoi y aurait-il toujours un sens évident ? la science des rêves et la psychologie ne sont que des sciences humaines souvent des extrapolations séduisantes, plausibles, sans jamais friser la loi physique ou la rigueur mathématique. Le piège consiste à prendre pour argent comptant une analyse bien conduite, satisfaisante pour l’esprit… Ça nous arrange. D’autres pistes sont possibles. On ne retient que celles que l’on trouve séduisantes.
Je me suis souvent demandé pourquoi je fais ce rêve récurrent qui me semble sans objet.
Mon père est décédé il y a fort longtemps, plus de quatre décennies.
Presque de manière cyclique, je rêve qu’il est parti sur le continent sans prévenir et sans jamais donner de nouvelles. J’en veux à la terre entière et à ma famille car personne ne s’inquiète de savoir ce qu’il est devenu. Je vois son visage et je m’attends à son retour soudain, sans explication, comme il est parti. Jamais il ne revient chez lui, dans mes songes. Lorsque je le cherche, une ombre profonde surgit d’un trou noir pour m’effaroucher puis tout s’arrête. Le rideau tombe, la pièce est terminée.
Il faudra la reprendre un autre jour.
Au réveil, le soulagement est grand de savoir qu’il ne nous a pas abandonnés sans prévenir, c’est le retour à la réalité puisque je l’ai vu dans son cercueil.
L’inconscient est-il inlassable menteur ?
Curieusement, je m’habitue, et fors cette sensation étrange du moment, cela ne me dérange plus. Parfois j’en redemande mais ces choses-là ne viennent pas sur commande, c’est « l’autre, tapi dans l’ombre » qui décide.
Chercher à comprendre ? Il existe des multitudes d’explications toutes simples que l’on imagine facilement. Sont-elles des explications qui révèlent une réalité ? Le doute est permis !
Ce rêve du père encore vivant reste une énigme. Un désir insensé et irréaliste dans la fragilité des hommes. Une résistance à la peur de disparaître un jour. On s’invente un ailleurs qu’on ne connait pas, gardant le secret espoir d’un éventuel retour, l’imaginant possible.
Le goupil est un malin, il rôde dans la nuit et trompe son monde ne laissant à personne le loisir d’entrer dans son trou noir. Il est compteur de bobards, trompeur de consciences. Des bobards comme on voudrait les entendre et les voir en rêve. Il est accommodant si on sait l’amadouer… ce soir peut-être, viendra-t-il pour m’accompagner vers l’autre face des choses de la vie.
C’est lui qui puise dans le conscient la substance de nos pensées secrètes et anime des images apaisantes pour contrebalancer nos angoisses. Un équilibre dans les contrastes de la vie, une oscillation sans fin pour maintenir le souffle de l’espoir.
Si le fourbe organisait le retour de mon père durant mon sommeil paradoxal, s’il ricane et me promène, il ne me dérangera pas… il faut bien meubler ses nuits, une nuit sans images est comme un jour sans joie et sans crépuscule…
Au sortir de mes rêves, je sais que je reviens de loin, de ce pays où l’on va respirer l’air de l’inconnu, où l’on va se ressourcer ou se perdre… j’aime y retourner souvent.
On dit que les rêves nous permettent d’évacuer nos angoisses…
J’ai horreurs des rêves à répétition, le mien est de traverser la rue sans pouvoir ouvrir les yeux, le lendemain je me réveille très fatiguée 😉
J’aime bien l’image du coquelicot 🙂
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pas toujours simple d’expliquer nos rêves surtout lorsqu’ils portent sur quelqu’un de proche mais disparu.
Bonne soirée 🙂
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Bonne fin de soirée 🙂