Capiteux et spiritueux.

Un ami de Jean Richepin, Raoul Ponchon a bien fait de vivre à une autre époque que la nôtre. Certes, il n’y était pour rien et rien ne sert d’avoir vécu…

Cet écrivain aurait été assailli de toutes parts, voyant son inspiration vagabonde, si féconde dans ripaille et beuverie, se tarir sous les coups des garde-fous de notre ère bien pensante qui cherche à effacer tout ce qui s’écarte de sa bananière bannière.

A consommer avec modération : 

Quand mon verre est vide,
Je le plains.
Quand mon verre est plein,
Je le vide.
 

Conduit aux alcooliques anonymes :

Chanson vineuse 

 Hurrah! voici l’automne,
Le vin fume et bouillonne ;
Déjà je déraisonne.

Nous allons, mes amis
Boire, hélas, j’en frémis
Comme il n’est pas permis.

 Aux végans, il aurait déclamé son « Gigot ».

Vous êtes, ô gigot ! le plat de résistance,
Le morceau de haut goût, la viande d’importance,
Sur quoi rien ne prévaut.
Une côte de bœuf n’est pas pour me déplaire,
Tout de même c’est encor vous que je préfère,
Et je le dis bien haut.

Aux ecclésiastiques encombrés de principes :

Le Protocole du Vatican veut que le Pape prenne ses repas tout seul.

Manger seul ! Quelle horreur ! Prendre sa nourriture
Sans avoir devant soi la moindre créature,
Sous prétexte que c’est l’usage au Vatican !
L’usage… mais l’usage à la mode de quand ?
Ce n’est pas, sapristi! la peine d’être pape,
Si l’ on ne peut donner à l’usage une tape.
L’usage n’était pas d’ailleurs pour Borgia,
Car ce n’est pas tout seul que ce birbe orgia.
Voire sans remonter aussi haut dans l’Histoire,
Pio Nono meublait-il seul son réfectoire ?
Allons donc! Si cet us a sévi dans les temps,
Il fut assurément des plus intermittents.

Aux féministes, il aurait décliné ses muses : « muse au cabaret », « muse gaillarde», « muse vagabonde », « muse frondeuse ».

Ou encore, offense suprême d’un affreux misogyne :

Si les femmes étaient sans fesses,
Qu’est-ce
Que nous ferions de nos mains
Pauvres humains ?

Curieusement, cet homme accro à l’absinthe et qui clamait que « le veau réchauffé est meilleur froid » n’a pas été victime d’une cirrhose ni d’une thrombose… Il est parti à quatre-vingt-neuf ans après s’être brisé le col du fémur en sortant de son lit. C’est à l’hôpital qu’il a « choisi de partir » refusant la vie aseptisée.

Comme le veut l’usage de nos jours, modérer et tempérer ses propos, ce récit n’est pas un appel à l’ivrognerie ni la goinfrerie… Juste le rappel qu’un « bon mauvais vivant » et plus que vivant, peut braver les pièges de la biologie lorsque les gènes sont solides…

Sous la dictature de la statistique pour « gérer » le temps, l’homme n’est plus maître de ses printemps.

Raoul Ponchon (1848-1937) fut aussi membre de l’Académie Goncourt dès 1924.
Il repose en grande paix de bien longue date, lui qui détestait tant la tranquillité.

Je tente quelques verres, pardon quelques vers, à l’oubli des gens moqueurs qui tchin-tchinnent à la santé :

Point besoin d’autodafé
Pour éviter postérité
.
Qui se souvient encore
De ce matamore,
De ce vilain gars

Ponchon
Qui eut rit qu’on le nommât
Pochetron
?

Paci è saluta ! Dit-on dans ma région…

A suivre.

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