Voici un texte orphelin, abandonné dans un coin des brouillons et qui prend vie aujourd’hui.
Ecrire et ne rien dire… Juste pour passer le temps.
Il y a des jours comme ça. On ne sait quoi faire, pour des raisons toutes banales. On couve la nostalgie, on se sent vidé, fatigué et cependant, on souhaite meubler un peu sa journée. Je pense à l’écriture. C’est un exercice qui me plait, écrire pour entrer dans le temps et voyager avec lui.
Ecrire, mais quoi ?
Aucune importance, il n’existe pas d’écriture majeure, essentielle pour les autres. C’est comme si je chantais sous la douche. Personne n’entend les fausses notes et les déraillements. C’est de la bonne humeur ou de la joie que je savonne sur tout mon corps avec le jet de mots.
Je me frictionne d’adjectifs pour sentir les plaisirs de la vie. Et les lassitudes aussi.
Je regarde par la fenêtre. Le temps est beau, calme légèrement frais. Je sens l’automne naissant. Le ciel est d’un bleu céruléen à peine voilé comme l’aurait traité un peintre aquarelliste. Une gaze nuageuse très ténue s’effiloche par endroits laissant la plus grande surface à l’azur.
Même pas un oiseau.
D’ordinaire, les moineaux trottinent sur les places becquetant la moindre miette, le moindre petit bout de gâteau qu’un enfant gâté a jeté là distraitement, peut-être un adulte peu scrupuleux.
En ce début d’après-midi, la ville est vide. Le samedi, les gens désertent le brouhaha urbain. De bon matin ou la veille déjà, ils sont partis dans les villages de basse montagne.
Dans le calme inhabituel, je les imagine au cœur de février.
Ils rêvent de convivialité hivernale, à la mode de naguère au coin du feu ou devant la cheminée où grillent ficateddu, salcicettu, côtes plates. Ils rêvent de polenta à la farine de châtaigne et d’oeufs frits dans une vieille poêle gondolée qui épouse parfaitement le trépied posé dans l’âtre. Du brocciu aussi, c’est la saison déclinante avant l’excellent que l’on dégustera au début du printemps avec la sortie des premières pâquerettes. Ils rêvent de chambre sombre et froide, aux murs épais. D’un lit haut qui craque dès qu’on se pose dessus et du matelas qui prend la forme de leur corps, les enveloppe presque. Demain, dimanche, ils feront la grasse matinée et lambineront dans la vieille cuisine, avant de se poster devant le feu, assis sur un petit banc, les genoux joints et le nez tout près des flammes. Ils songeront déjà au retour, à la semaine qui va progressivement faire monter une nouvelle envie de campagne, à l’approche du nouveau week-end. L’hiver c’est ainsi, on rêve de montagne et parfois de neige abondante qui interdit toute circulation en espérant prolonger le séjour comme un enfant saute de joie sous les gros flocons, fêtant l’école buissonnière.
La ville est déserte. Je suis loin de chez moi. Les solitudes ne se ressemblent pas, je préfère mon petit coin de paradis isolé et tranquille, les jours de semaine aussi. On y passe rarement par hasard ou par erreur. On y vient avec l’intention de me voir, traverser un moment de vie simple…
Voilà des mots perdus, jetés en l’air au début d’un automne en songeant à la saison froide déjà, comme une poignée de poudreuse sous la brise légère. Des mots qui s’envolent et s’éparpillent un peu plus loin sans que l’on se souvienne pour qui et pourquoi ils furent rassemblés.
Est-ce ainsi que l’on passe ses moments oisifs ? Est-ce ainsi que l’on gagne ou perd son temps ? Je n’en sais rien, c’est ainsi que je vis.
Le temps était bleu et l’humeur morose, c’est peut-être par ces temps-ci que le vent se lève. Un vent léger, un peu vagabond, désorienté. La girouette hésite, désigne une vague direction et puis tremblote. Elle ne sait plus d’où vient le vent, elle ne sait plus où va le vent, elle vrille aux quatre souffles. Eole est facétieux, volte-tête, la vieille girouette fatiguée d’avoir tant été tournée en bourrique, grince et clinque.
Elle a pris grand âge et perd le nord comme la vieille femme, le vieil homme, qui ne savent plus le sens du vivre.
Je ne suis pas encore une girouette désorientée, je crois que je sais d’où vient et où va ce vent…
Très beau texte !
Pour quelqu’un qui n’ a rien à dire, ma foi c’est très réussi, il y a un rythme dans vos lignes qui évoque si bien l’automne et ces rêves d’hiver.
🙂
Franchement Al, j’ignore ce qu’il m’arrive.
Je m’assois, j’écris un mot et c’est parti, je ne sais pas où je vais précisément mais je vais et parvenu au bout de mon chemin du moment, je suis content.
J’espère que je ne suis pas déjà noté bien en vue sur la liste du rappel là-bas, pitié, j’ai encore tant à écrire 😉
Rhooo mais non vous y pensez bien plus qu’on ne pense à vous « là-bas » 🙂
Hum ! Je me méfie, des fois qu’ils ne devancent l’appel ! 😉
Ils ont autre chose à faire après la razzia qu’ils ont faite depuis 1 an !
C’est possible, je n’y avais pas pensé… Meddu, meddu ! (Tant mieux, tant mieux ! pour ceux qui ne savent pas 😉 )
Un très beau texte j’ai pris plaisir à le lire
Bonne soirée Simon 🙂
Merci Gys.
Si vous revenez demain, ce sera moins léger, il faudra ramer un peu mais… ça muscle l’esprit 😉
Bonne soirée 🙂
Un plaisir cette lecture, ça glisse, ça chante….
Figurez vous que je ne m’en rends pas compte en écrivant.
C’est vous qui me le révélez. 🙂