Le prix d’une mante religieuse.

C’est une icône et elle ne coûte rien en sonnant et trébuchant. Elle se mérite.

Ce portrait qui ferait deviner la religieuse sur son prie-Dieu, a une petite histoire.

C’était un matin de fin d’automne, il était très tôt, le temps était humide et brumeux. La luminosité d’un matin gris ajoutait une touche tristounette dans les parages de ma contrée.
Je regardais par la fenêtre à travers la vitre, une habitude matinale presque un réflexe pour observer quelques instants, les oiseaux qui viennent prendre de mes nouvelles. Pendant de longues minutes, je rêve, je suis un passereau et j’imagine les graines disséminées dans les herbes humides, le lombric inconscient qui remue sous les feuilles mortes. Je volète, m’envole un peu plus haut jusque sur le noyer qui fait face à mon observatoire favori. De là, je contemple la vallée d’Archigna et revisite tous mes souvenirs d’adolescent…

C’était donc un matin calme et ouaté de brume légère. Je suis sorti prendre la température extérieure pour juger d’une éventuelle balade en direction du village.
J’ai l’œil vif et très exercé. J’ai toujours pensé que je voyais plus et mieux que le commun des mortels. Je sais pourquoi.
Dans l’herbe rase, au niveau de la semelle de mes chaussures, j’ai vu une mante religieuse. Illico, j’ai filé à la maison pour revenir avec mon appareil de compétition.
Elle n’avait pas bronché, que faisait-elle de si bon matin à cet endroit ? Peut-être y avait-elle passé la nuit et se réveillait seulement. C’est son affaire.

Je me suis baissé, en suspension les genoux pliés dans un mouvement de ressort, pour tenter quelques clichés en plongée. Très vite j’ai remarqué que l’angle n’était pas le bon, il fallait se mettre à plat ventre pour chercher le face à face. L’herbe était très humide, je ne rechigne jamais devant une telle aventure.
L’appareil bien calé, les coudes plantés dans les rases graminées, j’avais devant mes yeux un spectacle éblouissant. Eblouissant non de lumière mais « d’yeux dans les yeux ». J’ai marqué un long temps d’arrêt en observant l’attitude de ma religieuse. A quoi pensait-elle ? Et pensait-elle en me voyant si près de sa tête triangulaire. Ce n’est qu’après quelques longues secondes de conversation muette que je me suis décidé à cliquer. Je savais qu’elle ne m’abandonnerait pas sans que je lui tire le portrait mais elle m’avait assez vu, je devais la laisser tranquille à ses occupations de » tigre de l’herbe« , nom dont on l’affuble parfois..

J’ai gardé de ces clichés un souvenir étonné doublé d’un immense plaisir. Ce n’est pas tous les jours que l’on tombe dans un tel tête à tête.

Le prix d’une mante en fin d’automne, dans le matin humide et brumeux équivaut à un petit désagrément.
Accepter de se mouiller tout le corps, peiner pour se relever car je n’ai plus l’âge du plat ventre enfantin et parfois être la risée d’un visiteur qui me voit étendu par terre.
D’abord intrigué que je ne sois victime d’une chute et puis… la rigolade :
« Il est complètement barjot ce Simonu, pour une simple photo, il irait même jusqu’à affronter un nid de frelons ».

Oui ! C’est ben vrai ça !
Vous l’entendez ? Même la mère Denis l’avait remarqué 😉

Le prix de la patience pour mériter l’icône d’une mante religieuse que l’on expédie aussi facilement en enfer en la dénommant « cheval du diable« .

Bonne journée 🙂

En plongée, les genoux pliés ce n’est très original et le flou assuré.
Le face à face c’est mieux.
Elle cherchait à m’hypnotiser.
Même bien calé, avec une si faible profondeur de champ (diaphragme ouvert au maximum), on n’est jamais à l’abri d’une image floue.

9 Comments

    1. Je ne sais jamais ce qu’il va en sortir mais je tente toujours le coup, c’est un plaisir à plat ventre dans l’herbe mouillée avant 8h du matin.
      Essayez Gyslaine et vous verrez, vous recommencerez pour sûr ! 😉
      Je suis un peu taquin, bonne soirée Gys.

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