Lorsque vous vous rendez à la ville pour consulter un spécialiste, vous pouvez dire que vous allez y passer la journée. Vous avez beau prendre rendez-vous longtemps à l’avance pour passer le premier, rien n’est moins sûr.
La salle d’attente était déjà pleine et le silence complet.
Juste quelques regards pour découvrir le nouvel arrivant, puis quelques réponses au bonjour adressé à la cantonade.
Il n’y a rien au monde qui change moins vite qu’une salle d’attente. C’est toujours pareil. Quelques copies de tableaux de peintres très connus, des affichettes vieilles de dix ans, des prospectus hors d’actualité :
« Servez-vous ».
Des revues archi-vues ouvertes à la page des mots croisés, deux fois surcroisés.
Des cadres de traviole… ça fait mauvais effet chez un ophtalmo.
Celui qui a fixé les diplômes et les tarifs dans des encadrements vitrés devait être mal réveillé ce jour-là, ou alors très pressé. Tous penchaient, mais pas du même côté.
Un téléviseur positionné dans un angle, en hauteur, diffusait des infos que personne n’entendait. Tout le monde cherchait à deviner en regardant les images, sauf les malentendants formés au langage des signes, car il y avait une présentatrice dans un coin, qui parlait avec ses mains. Aucun sous-titrage, ce matin-là.
Le silence était de plomb. Personne ne pipait mot.
Pensant à ma fille qui avait dégelé l’atmosphère d’une autre salle d’attente à l’âge de deux ans en adressant un tonitruant « Caca boudin » à chaque patient silencieux, je finis par balancer une bêtise en désignant un tableau de Mirò :
– En effet, il devait être miro celui-là et portait bien son nom !
Les regards se portèrent sur le tableau, les visages se déridèrent.
Une dame pouffa, elle fut surprise par ma boutade et cela engendra, chez elle, un sourire plus sonore.
Bien ! Je venais de dégeler l’atmosphère.
Pas pour longtemps, chacun se replongea dans ses pensées, visages à nouveau fermés presque tristes.
Voilà, c’est toujours pareil, je vous le disais, rien à faire. Dans une salle d’attente, on attend, on ne rigole pas. Je n’allais tout de même pas faire un sketch à la Popeck pour solliciter des applaudissements !
Un, deux puis trois patients passent avant moi. Je ne devais pas être le premier, pourtant mon heure avait largement filé. Je chantonne dans ma tête pour me donner du courage puis je gamberge, je divague et je pense aux rendez-vous manqués : « Tiens, il va me poser un lapin ! Non, penses-tu, pas un lapin puisqu’il est là, juste à deux pas derrière la cloison, dans son cabinet. »
Alors, le lièvre de la fable qui arrive en retard pour n’être pas parti à point, s’agite devant mes yeux. J’esquisse un sourire, c’est une trouvaille : « Ah ! Il va me poser un lièvre ! Je vais passer en retard. Pourvu que ce ne soit pas un gros lièvre pour un très grand retard. » Voilà comment on tue le temps qui passe mal dans une salle d’attente. Le patient porte bien son nom, il patiente énormément et peut même inventer des expressions…

Ah ! C’est mon tour. La dame qui avait sans doute deviné mon impatience m’adresse un sourire. Lorsque je réapparais quelques minutes plus tard, les yeux un peu chahutés par les rayons lumineux, la gentille dame manque d’éclater de rire. Je devais avoir l’air d’un lémurien surpris par le flash d’un photographe nocturne. Je dois préciser qu’elle était, dans son silence, la plus vivante de tous. Je veux dire qu’elle semblait vive, intéressée et joyeuse d’apparence, dans l’immobilisme de circonstance.
Son sourire très expressif m’a fait penser au vieux Mimile qui éclatait de rire dès qu’il me m’apercevait à cent mètre, me dirigeant vers lui. Il prenait déjà une bonne dose de fou-rire car il me soupçonnait toujours d’avoir une boutade à balancer ou une anecdote à raconter. Je suis comme ça, je dégage des impressions qui engendrent le sourire ou le rire, jamais l’envie de pleurer… c’est une chance de me rencontrer, n’est-ce pas ?
Finalement, l’accorte dame avait deviné à mes yeux malicieux que je chauffais quelque chose sous mes cheveux en bataille. En passant devant elle pour sortir, j’ai planté mon doigt au milieu du front puis lui ai fait signe en tourniquant l’index à côté de la tempe sans la tamponner, sinon je serais passé pour fou, que j’avais trouvé un truc… Elle me dit :
– Cyclope ?
– Si, Si ! Mais pas six clopes ! Lui répondis-je en faisant mine de fumer, avant de passer la porte. Je suis parti sans autre explication.
Cyclope, chez un ophtalmo, en se tamponnant le front, était probablement fortement induit mais ce n’était pas ce que je voulais dire.
Je pense que connaitre ma pensée du moment vous importe peu, alors je ne vous le dirai pas.
N’en profitez pas pour raconter, ou penser, que je suis vraiment barjot ! Je m’amuse comme un petit fou, ah ça, oui, vous pouvez l’imaginer et le dire !
Mieux vaut en rire qu’en pleurer, j’en fais souvent ma devise.
Ce n’est pas toujours évident évident, il faut me suivre…
Moralité :
Comme l’expriment les bananes tronçonnées, l’attente est une douleur.
Pour me faire pardonner, voici un peu de cuisine.

Des oignons compotés à la poêle avec une sauce tomate maison déjà bien réduite.
Un pissalat au mortier.
Des anchois aux câpres dessalés, écrasés au pilon avec deux gousses d’ail et du basilic.

Un morceau de poivron, deux échalotes, une gousse d’ail, quelques câpres, du persil, le tout passé à la moulinette avec un peu d’huile d’olive.
Une sauce pour accompagner des poireaux et des carottes cuites à la vapeur.
Je vais ajouter vinaigre de Xérès, un peu de balsamique, allonger avec de l’huile d’olive puis ajouter des tout petits morceaux de pulpe de tomate bien mûre, on verra bien si je reconduis ou non cette sauce.
Vous pouvez mettre du jus de citron à la place du vinaigre.
J’expérimente toujours.
Oh la tronche des bananes 😉 écroulée de rire !
😉
Un peu d’humour en cette fin de journée, cela fait du bien 🙂
C’était le but Gyslaine mais je crois que cela n’a pas fait sourire grand monde.
L’endroit, je veux dire ce blog, est confidentiel 😉
pourtant visible pour tout le monde non ?
Oui, Gyslaine mais peu passant 😉
😀
Tant que votre blog est confit dans ciel ouvert Simonu, il y aura toujours oiseaux de passage ! Passez une bonne soirée 😉
Tous les oiseaux sont les bien venus.
Bonne soirée également. 🙂