Toc-toc !

Comme le temp était à mourir d’ennui, j’ai fouillé dans mes affaires pour faire du neuf avec du vieux 😉

Non, non ! Pas quelqu’un qui toque à une porte et attend qu’on lui dise d’entrer, mais quelqu’un qui se tamponne la tempe avec l’index pour vous signifier que vous êtes un peu toqué !

Vous êtes un peu, beaucoup toqué parce qu’on vous voit encore en train de nettoyer un jardin ou de jardiner tout simplement : 
Tu es fou ! Tu t’esquintes pour rien !

Voilà les recommandations que l’on me fait encore.
Les plus sympas me font signe avec les mains en mode modérato.
Pianu ! Pianu ! Calmos !
Chi va pianu va sanu ! Entendu mille fois, comme si je n’étais pas d’ici, m’enfin !

Et dire que c’était mon rêve secret de revenir à la terre pour la retourner encore un peu et vivre avec elle, cette belle aventure d’un potager. Longtemps, j’ai craint de rater cette étape par maladie, infirmité ou trépas car en revenant de la région parisienne deux fois par an, le risque était grand de faire mauvaise rencontre…
Ouf ! Mon rêve est déjà réalisé et se poursuit.
Un rêve, vous imaginez ?
Ils vont me prendre pour encore plus fou, mais je m’en fiche.
Qui rêve de s’éreinter, de s’échiner à remuer terre et cailloux ? Pas moi, je m’amuse !
C’est pourtant beau de voir cette terre nourricière se fendre sous la houe. La quoi ?
Ils ne savent même plus ce que c’est, la houe ! Rien à voir avec la bêche. Inutile d’en dire davantage.

Dans la terre, il y a des lombrics, des vers blancs (larves de hannetons), des vers jaunes qui ressemblent à du plastique (larves de taupin), des larves de coccinelle, bariolées noires et rouges, il y a des cloportes (crustacés terrestres)… il y a plein de vie sous la terre !
Le rouge-gorge le sait. D’ailleurs quand il me voit partir avec la bêche, on dirait qu’il a compris que c’est l’heure de se restaurer sans faire d’efforts. Il se poste à quelques mètres et patiente. Il n’est pas pressé et ne craint rien.

Mais non pas là !
Bêche un peu plus loin !

Qu’un ver se tortille, vous le voyez qui se pointe en sautillant, à peine craintif, et si vous ne bougez plus, il se sert puis file sur un promontoire juste à côté. Ce n’est pas en restant à la maison à regarder un film à la télé que vous lui tirerez le portrait. Pour ça, il est facile. Un vrai modèle sage, vous pouvez le photographier sous tous les angles. Il adore. On dirait qu’il est venu exprès, pour faire le beau. Je ne rate pas un clic.

Je suis même allé lui fabriquer une pancarte pour voir s’il reconnaissait son nom. Là c’était facile pour une première séance, faut pas brûler les étapes. La prochaine fois, j’en mettrai une autre sur laquelle il pourra lire MERLE. Il faut être pédagogue, un peu, pour qu’il ne se trompe pas. Je vais savoir. Sa pancarte dépassera l’autre, je suis presque sûr qu’il va la reconnaître avec ce truc. Il cherche à se percher plus haut. Ce serait formidable de voir sur la même image un rouge-gorge juché sur un piquet portant son nom et juste à côté, un autre piquet inoccupé sur lequel on lirait MERLE. Là, je pourrai dire : mon ami u petti russu* sait lire maintenant. Mais je ne tenterai pas deux fois la même expérience…
*Petti russu, rouge gorge en corse de chez nous, ailleurs on dit « Petti rossu et probablement, autrement encore.

Tous les oiseaux ne sont pas faciles et dociles comme notre ami au poitrail orange. On dit que le merle siffle, il crie, plutôt ! On dirait qu’il s’affole chaque fois qu’il me voit. Et puis pas toujours malin non plus. Il croit que son nid est caché, construit très bas dans le fourré. Pas du tout, les chats qui rôdent le savent bien et les oisillons sont vite croqués.

Regarde tu sais faire ça toi ? M’a-t-il dit avant de plonger.

Et le geai des chênes ! Alors lui, il est carrément timbré et lâche des cris d’épouvante. Jamais il ne passe inaperçu ou en silence. On dirait qu’il est chargé d’alerter le monde pour qu’il s’égaille. Il voit le danger partout, s’affole pour un rien et dérange toute la petite faune environnante qui prend peur aussi.

Pas très content, on dirait !

La mésange charbonnière s’en fiche. Elle préfère rester près de la maison. D’ailleurs, une année, j’avais installé un nichoir avec un panneau « A louer pour couvaison. 25 cm2 habitables. Saison printanière seulement. Loyer modéré ». Je n’ai eu aucun problème, une mésange s’était installée sans me prévenir et j’ai pu faire plein de photos. Au moment du nourrissage des petits, c’était la fête jusqu’à ce qu’ils soient repus et qu’ils fassent un peu de sieste.

Non, Simonu, c’est pas pour toi !
Ah bon ?

La couleuvre grise et verte de Corse, gîte dans un tas de cailloux. Faut pas trop la tarabuster celle-là, elle a vite fait de se dresser et de vous menacer. Elle est farouche et peut mordre. Elle n’a pas de venin à inoculer mais sa morsure est ferme et dissuasive. Je ne m’en occupe pas. Dès qu’elle me voit arriver, elle glisse et disparaît dans l’herbe, introuvable. Je lui laisse une paix royale. Si elle me voit Kodak en main, elle se laisse prendre en photo mais faut pas trop insister non plus.

Tu prends ta photo et tu files !
Ok, compris !

La rainette qui chante dans le bassin la nuit venue, n’est pas très heureuse lorsque la couleuvre se pointe aplatie sur le bord de la vasque. Elle semble hypnotisée devant le serpent. Elle ne bouge plus, totalement sous l’influence du reptile. Il m’est arrivé de lui sauver la vie en dissuadant la couleuvre de la croquer. Il n’y a que quatre ou cinq grenouilles dans ma réserve d’eau et leur chant sous la lune estivale, mêlé à celui des grillons est un concert qu’il m’arrive d’écouter en compagnie de mes petites filles. Juste avant les premières vocalises, nous prenons place sur les marches du jardin. Nous levons les yeux au ciel pour admirer la lune et les étoiles puis dans un silence de cathédrale, la sérénade commence pour le plus grand plaisir des enfants et de grand-père.

Sur la paroi du bassin :
Tu es encore là, toi ? Tu veux ma photo ?
C’est déjà fait, merci !

Et vous dites que je suis toc-toc !
Peut-être suis-je un peu barjot à vos yeux, mais Dieu que mon plaisir est grand !
Il me semble qu’il vaut mieux être un peu foufou que pas fou du tout.
Pas vous ? Qu’en pensez-vous ?

Ah ! Merci l’ami !
Tu crois qu’ils vont remarquer la paréidolie ?
Avec une coccinelle, je fais mon Picasso 😉

6 Comments

  1. Un jardin fort bien fréquenté, que des gens bien, faut croire que le proprio est sympa 😉
    Pour une fois la paréidolie m’échappe…

  2. Vos articles sur toute la nature corse sont poétiques et savoureux, mais aussi pour moi instructifs. Je me régale … enfant nulle en biolo (et pas que !) j’ai un plaisir enfantin à apprendre un peu ; jamais trop tard pour faire bien ! Merci.

    1. Hé, Sylvie, je me suis assagi sur ce registre !
      J’étais de formation scientifique et gardais mon sérieux rationnel et puis…
      Me voilà sur un chemin plus poétique et cela m’amuse beaucoup.
      Merci pour votre suivi.
      Bonne soirée 🙂

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