C’était au mois de mai 2016.
Désormais vous le savez, je suis un peu fou. Je souffre de folie douce, la plus agréable des folies, c’est-à-dire que je ne souffre pas du tout, je vis et j’aime la vie.
Depuis hier soir, je me demandais, « Que vais-je faire demain ? » Je cuisine au quotidien.
Un mot m’est venu à l’esprit « ragougnasse ».
Ce vilain mot qui rime avec dégueulasse et signifiait à l’origine mauvais ragoût.
Je vous assure que c’est totalement faux, que c’est délicieux à condition d’y mettre un peu d’amour, un peu d’humour.
Allez ! Musique !
Ce matin donc, j’avais envie de me ragougnasser la vie mais pas tout seul.
Alors, je me suis mis au piano pour devenir, le temps d’un matin joyeux, le Rachmaninov de l’Aratasca, pour une symphonie en oignon mineur et chorizo fortissimo.
Dès les premières notes d’une huile d’olive frémissante, j’ai plongé mes boulettes de viande de bœuf, aillées, persillées mais non farinées. Elles ont tressauté pour croustiller progressivement puis j’ai lancé des oignons émincés dans la danse frissonnante, légèrement andante.
Le rythme s’est endiablé, farinante et cantante, pour un appel du sel et du poivre fraîchement moulinés. L’intensité se saturait, il était temps de verser les tronçons de chorizo, les pommes de terre tranchées moyennement, les haricots rouges (en boîte avec leur jus c’est pas mal) déjà cuits et toute une nappée de coulis de tomate nature.
Un tube, ah pardon ! Un cube de bouillon de légumes s’est fondu à son tour et tout s’est mis à frisser au rythme des touches d’une cuillère en bois sur un tympanon.
J’ai laissé la musique de fond s’exprimer en mode boucle et petits bouillons, puis je suis parti faire le tour du jardin.
En revenant, je souriais devant une sauce qui se se gondolait, « poupoutait » sur le tempo d’un feu doux. Au bout d’une quarantaine de minutes, j’ai éteint sous la timbale à queue. Il ne restait plus qu’à attendre l’appel de midi après avoir posé une cymbale pour un decrescendo des sons à l’étouffée.
J’avais tout loisir pour rêver, lire les mauvaises nouvelles du jour et renifler le vent qui venait des seringats… Visiter quelques gendarmes en vadrouille sur une plante sauvage et les cétoines grises qui se goinfraient d’étamines dans le cœur des roses blanches.
Les nuages filaient mais rien de nouveau à photographier en attendant les douze coups de midi.
Je vous assure que la ragougnasse fut surprenante. Un mariage très réussi avec cette pointe de piment qui venait sonner les clochettes en fin de papilles.
Presque gouleyante comme un vin frais et léger mais gourmande, engageant à la récidive en bouche, invitant à saucer et re-saucer.
On en redemandait.
La ragougnasse n’a pas de limites.
Avec les bases que vous savez, vous pouvez jouer toutes les partitions que vous souhaitez. Des merguez, des chipolatas, du poulet, des escargots, des fruits de mer… tout ce qui peut se vautrer dans la sauce tomate qui plouploute pour s’épaissir très lentement.
Finalement, souffrir de folie douce, c’est aimer la vie tout simplement.
Ce n’est pas nouveau, je l’ai déjà dit.
Le redirai-je encore ? Sans doute !
Qui a dit « ragougnasse ! » ?
Ah ! c’est lui… Il a bien fait !
Ne vous inquiétez pas pour tous mes mots inventés, écoutez leur musique, ils chantent pour vous.
Des idées pour aujourd’hui ou demain ?
Aïe, aïe, aïe, aïe, aïe ! Tu me fais prendre du poids, oh Simonu ! C’est quand que tu nous mets un peu au régime, hum ?
Excessif en tout, de longue date, seule une mise en danger m’imposera un régime…
Je serai, alors, totalement dénaturé.
Peut-être ne suis-je plus très loin de payer la note ?
Le bout du chemin se profile mais encore dans le brouillard.
Bonne journée Dominique. 🙂