Interview.

Curieux sujet d’écriture cette fois-ci.

Se ressourcer, au crépuscule sous les pins, avant l’interview. (Cliquez sur les images)

Rien de bien mystérieux, c’était un des centres d’intérêt ce midi après avoir travaillé au jardin avec mon cousin qui m’aide à franchir une étape laborieuse difficile à mener tout seul. Les discussions allaient bon train lorsque nous avons piqué sur l’art d’interviewer quelqu’un. Un art difficile qui s’est largement perdu avec le temps et la multiplication des metteurs sur le grill.

Interviewer n’est pas chose si simple à réaliser. Durant ma formation, j’ai touché à des domaines peu courants car outre les disciplines classiques figuraient les cours de psychanalyse, de contrôle de soi en situations pénibles et inattendues, ainsi que la pratique de l’interview.

Notre professeur était une dame, universitaire responsable de la formation des journalistes d’investigation surtout. L’art de montrer le réel en se faisant oublier totalement. La personne n’était pas tendre avec nous et y allait souvent à l’emporte-pièce pour nous marquer et tester notre résistance affective. Nous partions dans la rue à la recherche d’une personne à interviewer avec un magnétophone. A nous de trouver un intérêt émanant du personnage pour justifier le choix.  Notre récolte était soumise à l’écoute du groupe qui devait s’exprimer pour apprécier la qualité de notre travail. Nous ne sommes pas tous sortis intacts de cette aventure. Certains ont beaucoup pleuré et d’autres se sont effondrés devant les critiques négatives sans ménagement. Nous devions travailler avec des enfants en grande difficulté, demeurer solides en toute circonstance, cette épreuve servait de test.

A la fin de cette expérience pénible, nous avions retenu que la personne interviewée devait rester la seule « vedette » du début à la fin. C’était le bonbon emballé dans un papier que nous devions déballer progressivement au fil de ses propos, seulement de ses propos. Aucune question ne devait émaner d’un a priori ou d’un fantasme de notre part. La découverte de la personne et de ses idées se faisait par des questionnements ricochets directement tirés de son expression. Une invitation à développer ses impressions pour ne perdre aucune miette. Uniquement, sans rien induire d’autre et sans jamais orienter. Inviter à aller plus loin pour éclairer toujours, jusqu’à la sècheresse. Essayez donc et vous verrez que ce n’est pas si simple de s’effacer totalement, de tirer le fil qui émane de l’autre essentiellement, sans jamais empiéter sur sa personnalité.

Lorsqu’on assiste à une interview  à la télé, surtout avec des journalistes vedettes, vous remarquerez facilement à quel point ils acculent l’interlocuteur. C’est exactement l’inverse qui se produit avec le glissement de l’interview vers la mise sur le grill. Leurs questions comportent déjà les réponses et font plus ressortir l’orientation de l’intervieweur que de l’interviewé, obligé de suivre la route qui lui est tracée. Or, c’est à lui de dévoiler ses idées, de tracer sa route, de dire sa pensée et non pas ce que l’autre voudrait qu’elle soit. On laisse filer librement pour que chaque téléspectateur se fasse une idée à la lumière des propos de l’interviewé, jamais tenu en laisse, jamais guidé et surtout jamais pollué par un matraquage contradictoire. La contradiction n’a pas sa place sinon cela devient confrontation d’idées et non plus expression de ses idées. Celui qui se présente devant l’électeur avance ses propositions comme une marchandise sur un étal et les autres le suivent ou pas en écoutant ses propos. Le journaliste n’est pas le candidat, il est déballeur de bonbon dont chacun appréciera la qualité.

Voyez à quel point l’art est difficile. Les journalistes vedettes, vous en connaissez un certain nombre, sont appréciés à la force de leur questionnement inquisiteur. Ce n’est pas une interview, c’est un mini débat, idées contre idées, qui n’a pas lieu d’être. Ce qui importe c’est la personnalité de l’invité, les idées qu’il souhaite véhiculer, non l’avis du journaliste.

Avec le temps, on perd le sens premier des mots, on amalgame, on s’égare puis on file sans se soucier de la justesse des propos. C’est dans l’air et cela suffit à notre bonheur. 

J’avoue que ce n’était pas très amusant aujourd’hui mais bon, il me semblait que ce point devait être soulevé un jour ou l’autre. Pour me faire pardonner, je vous ai cherché de belles images. La nature est reposante.

Le va et vient et puis s’envole…une vie de coccinelle.

 

 

1 Comment

  1. J’ai connu des séminaires de formation du type de ceux que tu décris ici. Leur but n’était pas de former des bateleurs, des polisseurs de chaussures, des fous du rois, des manipulateurs d’opinion. Leur but était surtout d’aider, d’encourager, d’apaiser, d’écouter pour accompagner un progrès des interviewés. Les « outils » préconisés ne visaient pas à manipuler, contraindre ou piéger mais à aider. Je pense à la reformulation, à l’écoute empathique, à la non directivité, à l’autocontrôle … Leur emploi débouchait sur des éléments de diagnostic, la structuration de la pensée, la découverte des causes d’un malaise. Mais comme un fusil : selon celui qui le tient, cela protège et libère ou cela opprime … et puis, et puis que demande la populace autour de l’échafaud ou devant son écran ? Hélas.
    Belles réflexions que les tiennes ici.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *