Jamais, je n’aurais pensé, un jour, recommencer à travailler assez durement dans mon jardin pentu. Je croyais que c’était fichu. Je m’imaginais dans la dernière ligne droite avec un parcours adagissimo, calmissimo, en attendant de parvenir au bout du chemin pour l’ultime faux pas. Celui qui ne pardonne pas.
Un peu plus de quatre mois se sont écoulés après une PTH (Prothèse Totale de la Hanche). Je roule désormais avec une articulation en titane toute neuve qui me donnerait presque des ailes. Parfois, j’ai l’impression que vais m’envoler. Heureusement, j’ai repris un peu de poids qui me maintient bien arrimé au sol même sous le grand vent. Avec le retour du printemps, je sentais l’appel du jardin.
Ce matin, je me suis décidé à reprendre les grandes manœuvres. Jusque-là, je me contentais du minimum car on m’avait conseillé la prudence. Je n’ai rien perdu de mon endurance, j’étais juste un peu courbatu car les muscles devenus paresseux ont été sollicités sans ménagement alors qu’ils s’habituaient à l’inactivité. Une fatigue salutaire qui vous fait dormir comme un bébé. Cela m’a rappelé mes jeunes années lorsque, à bout d’arguments et de patience, je conseillais à des mamans oisives, inquiètes pour l’avenir de leur enfant qui se portait comme un charme, d’aller faire le tour du canal du château de Versailles plutôt que de rester plantées devant la grille de l’école à carder des idées emportées par le vent. Cette image du temps perdu en inquiétudes inventées plus que réelles, me revient lorsque je porte le fer dans le sol pour le retourner et préparer l’avenir au jardin. J’aime ces allers et retours* de Versailles à Lévie qui me parlent de la vie et de la réalité. Je me demande parfois, ce qu’est devenu cet enfant que la maman couvait tant, sans réaliser que son attitude protectrice à l’excès, dérangeait et augmentait le stress de son éternel bébé. Hélas, papa ingénieur n’était pas d’un grand secours tant l’angoisse maternelle était communicative…
Cette digression, peut-être inattendue, témoigne de mon esprit à sauts et à gambades.
J’étais heureux au jardin, ce matin.
Ce travail me procure tant de plaisir qu’il en devient addiction. Après un peu de repos, je suis à nouveau attiré par l’appel de la houe et du râteau, souhaitant même, à la nuit tombante, que le jour se prolonge un peu plus. Je ne me sens pas fatigué. Je les entends tous, de bon conseil, me disant : « Pianu ! Pianu ! Calmati ! (Calme-toi). Le plaisir, ça se prend lorsqu’il se présente… N’ayez crainte, je sais jusqu’où je peux aller.
Ce retour à la terre que je souhaitais de toutes mes forces, lorsque loin de mon village je songeais à ma Zinella, mon coin de paradis, a tenu toutes ses promesses. Je suis en paix avec ma conscience et en phase avec mes ascendants qui m’ont inculqué ce goût pour les choses simples.
Demain, je repartirai à l’ouvrage, non à la galère. J’ai confiance, le titane est de bonne facture et m’aidera sans doute à parcourir le chemin qui me reste.
J’irai rendre les armes à César en espérant ne pas arriver jusqu’à lui en kit. Pour que tout soit parfait, j’espère qu’un César nous attend d’un pied léger.
*Pluriel controversé. Les deux avec S sont tolérés, parfois invariables et quelques fois « aller » au singulier et « retours » au pluriel.
Voici un aperçu du jardin. (Cliquez sur les images)