Le sphinx colibri siphonne plus qu’il ne frissole.
Vous comprendrez en lisant. (Cliquer sur les photos)
Voilà bien un titre qui doit en intriguer plus d’un ou d’une. On va essayer de s’en sortir honorablement, c’est possible.
Ce matin, je songeais à mon parcours de vie très atypique. Je pense sans prétention que c’est le terme exact. Je faisais donc un retour sur mes pas, ce n’est pas nouveau, aucune importance c’est ainsi. Je me disais que je suis sacrément chanceux d’avoir pu me fabriquer tout seul en parfait autodidacte. Je suis passé à travers toute formation classique. L’université comme les divers centres de formation ne m’ont servi qu’indirectement. J’y étais, je me fondais dans la masse pour ressembler au commun des participants, alors que je devais louvoyer sans arrêt pour ne pas dévoiler ma condition, un trouble de l’audition qui me conduisait assez souvent au quiproquo. J’en étais un champion et pour contourner les conséquences, il fallait bien se blinder d’humour. Ce n’est pas une vie facile. Je crois que je dois mon salut à l’exercice d’une acuité visuelle pointue doublée d’une capacité d’analyse assez solide. Je le dis en toute simplicité comme si j’étais un observateur extérieur à moi-même. Bref, rien ne filait sur des roulettes. J’ai dû batailler sans cesse à tel point que batailler est devenu une banalité qui ne me pèse plus. Toujours en alerte sur les choses de la vie, rien ne me laisse indifférent même lorsque je donne l’impression de ne pas m’intéresser, c’est toujours par choix et non par indifférence si ce n’est par ignorance.
Alors pourquoi ce titre ? Oui, venons-en à « surpulà ». Ce terme de notre langue corse caractérise à merveille mon mode de vie. Je n’ai pas trouvé d’équivalent en français sinon toute une phrase explicative alors que ce mot est un concentré de saveurs. On l’utilisait surtout lorsque nous allions à la pêche. Chaque fois qu’une truite semblait mordre et que l’on retirait l’hameçon nu, sans appât, on disait « Mi u s’ha surpulatu ! ». Ce qui signifie : le poisson a aspiré l’appât mais avec délectation. Généralement, le terme signifie aspirer la soupe chaude en la faisant frissoler* au passage pour la refroidir et la savourer en même temps. J’y mets expressément cette connotation de plaisir et de délectation. La meilleure image qui convient à mon assertion est sans doute celle d’une personne qui suce bruyamment un ortolan chaud en faisant vibrer la langue produisant un bruit particulier, amplifié par le palais durant le passage de la friandise ainsi dégustée. C’est encore mieux à l’abri d’une serviette posée sur la tête. Je demande pardon au dieu des embérézidés dont le bruant ortolan fait partie : je n’ai pas trouvé exemple plus parlant. C’est exactement ainsi que je me délecte avec mes meilleurs moments de vie. Comme si je les faisais rouler sur les papilles, en temporisant de sorte qu’ils passent avec des légers soubresauts, des allers et des retours, des retenues, des va-et-vient gustatifs pour en extraire toutes les saveurs. Je goûte ainsi la vie parfois jusqu’à m’en gaver, il y a toujours un peu d’excès dans la gourmandise d’un épicurien qui glisse vers l’hédonisme. Surpulighju i mumenti chi mi piacini. (Je gourmande mes moments préférés). Attention, le petit bruit qui accompagne cette action est surtout produit pour se persuader davantage de ce plaisir particulier mais aussi pour le partager avec les autres.
Ne me parlez pas de gober, c’est beaucoup trop rapidement avalé sans le moindre plaisir avant l’arrivée au fond du gosier.
Certains d’entre vous vont se dire mais qu’est-ce qu’il est encore allé chercher ? Vous avez deviné, il pleut des cordes alors je passe le temps en élucubrations, à peine ! Je vous avais prévenu, un rien m’allume ou m’amuse…
*Frissoler n’existe pas, c’est un sucre-mot (voir « Le sucre-mot ») qui s’est présenté instantanément pour évoquer un passage sinusoïdal sur la langue pour flatter les papilles.