Des choses ordinaires sur le chemin du temps.
Ce matin, je dégustais à l’ancienne, c’est-à-dire comme dans mon enfance au pied d’un plant de tomate, une belle et bonne solanacée bien mûre. Du sel, du poivre et rien d’autre. Una campazioni comme on dit chez nous (un pur bonheur).
Est-il encore possible par les temps qui courent de cultiver son petit jardin et mener sa petite vie tranquille sans se faire taxer de Robinson égoïste ? J’ai toujours été un solitaire et je n’ai pas l’intention de changer aujourd’hui. Plus le temps passe, plus le bout du chemin est en vue et plus je me délecte du bénéfice qui m’est accordé sans en connaître l’échéance. Il en va ainsi de beaucoup de personnes qui se savent sur la dernière ligne droite avant l’arrivée. Je m’efforce d’être la lanterne rouge en espérant que la voiture balai de la même couleur ne me ramasse au passage. Etre maillot jaune et figurer en tête ne m’intéresse pas. Il semblerait que nous soyons nombreux à nos âges à lambiner ainsi et profiter de chaque moment qui passe. Rien d’original en ce qui me concerne, je suis comme les copains mais je compte bien secouer chaque minute juteuse, chaque heure savoureuse et chaque jour parfumé.
Le temps est aride par ici, j’ai un mal fou à faire pousser quelques légumes. Je bichonne mes tomates sans pesticides. Ni insecticides, ni fongicides. Les merles et même les tourterelles ne m’aident pas. Ils grattent de bon matin la terre humide croyant y trouver quelque lombric en quête de fraîcheur puis s’enfuient en laissant un réseau de racines à l’air libre qui va griller au soleil de l’après-midi. Le feuillage n’est pas dans une forme resplendissante non plus. Les fruits tiennent le coup. Je les encourage chaque matin avant le lever du soleil, non pas de la voix mais de mon envie de les croquer un jour. Ça les flatte et ils font tout leur possible pour finir sur des papilles reconnaissantes. Des papilles heureuses de retrouver le goût des choses essentielles. Vous allez me prendre pour un fou, je vous assure que non et que c’est en s’amusant que naissent les complicités. Du moins, je fais semblant d’y croire puisque je batifole comme un enfant plein d’insouciance.
Je ferme les yeux et je croque. Le jus coule par les commissures des lèvres jusque sur le menton. Aujourd’hui, j’ai bien aimé la noire de Crimée, la cœur de bœuf n’était pas assez mûre. Demain, je ferai une mixture avec de la chapelure, du sel, du poivre, du basilic haché et beaucoup d’ail écrasé puis je couperai mes tomates en deux, plongerai la partie tranchée, humide, dans ce mélange et poserai la face ainsi garnie dans une huile très chaude. Un aller assez long puis un retour bien compoté, ensuite savourer cette cuisson dite à la provençale. Peut-être mettrai-je du céleri feuilles à la place du basilic… Demain sera une autre envie.
J’aime la vie simple, une vie de paix sans déranger personne.
Qui me rencontre, je lui offre cette douceur de vivre, cet excès de vie, ce déraisonnable qui fait chanter les heures puis aimer les jours.