Le louveteau.

Voilà un texte qui m’a échappé et ne figure pas dans mon livre « A l’ombre de l’école ».

Depuis la fenêtre de ma salle, située au premier étage, j’observais les enfants pendant la récréation.
Je récoltais beaucoup d’indices en les situant dans leur biotope. Leur comportement était plus spontané, ils ne se donnaient pas de postures, se livraient tels qu’en leur nature. Une récolte d’informations précieuses, un complément très utile pour mener une rééducation plus efficace.

Il se prénommait Olivier, il avait huit ans.
Un enfant timide, très effacé, j’ignorais qu’il se débattait pour trouver sa place parmi les plus turbulents.
Il camouflait sa condition de sorte que, sans cette observation discrète, je serais passé à côté du sujet. Aucun enseignant, de sa classe ou surveillant de service, ne l’avait remarqué, non plus.

Comme dans un documentaire destiné à un éthologue, scientifique qui observe les animaux dans leur milieu naturel, y compris les humains, je fis une découverte passionnante et très instructive pour ma gouverne.
La loi de la nature, des garçons cherchaient à s’imposer en tant que mâle Alpha.
Ils engageaient une lutte féroce, sous mes yeux, à chaque récréation.

Deux louveteaux se surveillaient particulièrement pendant que les autres vaquaient à des préoccupations moins belliqueuses.
Avec sa démarche hésitante, bancale, toujours à la limite de l’équilibre, son sautillement mal assuré, il rappelait le jeune loup qui se fait les dents. Olivier chutait, se relevait, persistait.
Il rejouait inlassablement l’éternel dominé en quête de dominance.
Le sourcil inquiet, le regard oblique, la tête renversée sur le côté droit pour mieux offrir son cou à Christophe, le leader.
Il cherchait à intégrer la bande avec ce rituel, la volonté flageolante de l’échec, en participant inlassablement aux jeux risqués de la petite meute.
A chaque fois, son regard en contre plongée rivalisait avec celui en plongée de Christophe.
Un temps d’arrêt bien marqué situait chacun dans sa condition de dominé ou de dominant.
A la suite de cet échange, Olivier, soumis, était accepté et participait aux jeux.
Il essayait quelques révoltes toujours velléitaires, vite réprimées par le chef, qui d’un coup de patte sévère l’envoyait claudiquer et manifester sa douleur à l’écart de la troupe.

Face à l’adversité, notre jeune loup ouvrait la bouche, la lèvre supérieure retroussée laissant apparaître toute une rangée de canines imaginaires totalement inoffensives. Cette agressivité apparente n’était qu’un pâle mimétisme de loup-garou dans un masque de douleur. Cette lutte permanente pour la survie se heurtait inlassablement aux vrais loups qui opposaient toujours quatre crocs bien pointus pour lui rappeler la dure loi de la nature.

Sans trahir ce combat secret, pourtant bien affiché aux yeux de tous, il était temps de changer l’angle du suivi dans ma salle afin qu’il devienne cet enfant qui gagne en accrochant des avancées à son palmarès scolaire.
Gagner l’autre combat de l’apprentissage scolaire pour lui faire oublier celui, plus risqué, qu’il menait avec les canidés sauvages.
J’essayais, ainsi, de détourner son attention vers d’autres intérêts dont il s’éloignait en exacerbant des instincts plus sauvages…

Si vous cherchez à savoir d’où sort ce cliché en titre, voici l’original :

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