Fransissu di u spizziali.

Je demande pardon par avance aux lecteurs incapables de lire le corse.
En pleine guerre du « C’était mieux avant ou c’est mieux aujourd’hui » certains villageois se délectent de ces textes qui relatent le passé, alors je bondis sur l’occasion de leur faire plaisir.

Francis Casanova qui se manifeste depuis peu dans les commentaires est un enfant du village, mais je ne suis pas certain de l’avoir identifié. Je vais faire comme si c’était lui.

On l’appelait Fransissu di u spizziali, Francis du pharmacien.
Je l’ai très bien connu mais il était plus ami avec mon frère qu’avec moi, j’ai donc peu de choses à raconter le concernant.
Il ne m’en voudra pas si je disais qu’on le trouvait pâlot, certains affirmaient qu’il était nourri aux vitamines par ses parents pour corriger l’anémie (Ah les mauvaises langues !), qu’ils le conservaient dans la naphtaline, beaucoup trop protecteurs à son égard. C’était une légende urbaine, sans doute. S’il fréquentait mon frère, il a dû échapper au cocooning avec quelques frasques secrètes mais je n’en sais rien. Ces petits secrets sont souvent bien gardés.

Je me souviens, j’en suis presque certain, qu’il fut le seul au village à se rendre à Londres pour la coupe du monde de foot en 1966.
Banks le gardien, les frères Charlton, Hunt et Cie, il en avait gardé un souvenir impérissable et nous épatait par ses récits, il en avait plein les yeux et emplissait les nôtres d’images magiques.
Le foot était notre passe temps favori, nous rêvions tous d’assister, un jour ou l’autre, à une coupe du monde. Nous nous rendions à Zonza pour voir des matches de championnat italien qui nous ne captions pas dans notre village, c’est vous dire notre passion pour le ballon rond.
Chacun y allait de sa question particulière pour assouvir sa curiosité avec l’impression d’avoir participé à la même aventure. Il faut reconnaître qu’il fit quelques envieux parmi copains et amis, fit figure de vedette un bon bout de temps, aussi.

Il me reste une anecdote concernant son père qui souhaitait vendre sa Fiat 500.
Il annonçait son intention de s’en séparer en placardant une affichette sur sa vitrine. Un habitant d’un hameau voisin semblait très intéressé et lui avait demandé combien il la vendait.
Le pharmacien, très occupé à son officine, lui répondit :
– Je ne sais pas encore, je la vendrai au prix de l’Argus, revenez demain.
Décidément très intéressé, l’homme était de retour le lendemain et l’interrogea :
– Alora, quantu ? (Alors, combien ? )
Ecoutez, je n’ai pas eu le temps, revenez demain.
Rebelote, le voilà de retour :
– Alors ?
– Ecoutez, vraiment, je suis pris par le travail et je n’ai toujours pas eu le temps…
– Si vous n’avez pas le temps, dites-moi où habite Monsieur l’Argus, j’irai le voir moi-même !

Voilà Francis, les souvenirs qui me reviennent, il y a si longtemps que tu as quitté le village.

La photo en titre appartenait à Jean Paul de Lanfranchi, c’est lui qui me l’a envoyée pour l’exposition « Ritratti paisani ». Salut JP !

PS. C’est sûr c’est bien lui, il me l’a confirmé hier soir.
J’avais déjà écrit ce texte, je le livre tel quel.


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