Quand le promeneur poétise.

L’eau déboulait de la montagne par toutes les ravines.
Elle sautait, moussait, chantait, grondait et chutait dans une cuvette profonde.
L’eau vive, bouillonnante, furieuse, pressée de gagner l’aval pour se calmer et se reposer un peu.

Je l’entendais, entre les aulnes, s’énerver contre les rochers.
Que faisaient-ils là à gêner son passage et freiner sa furie endiablée ?
– Poussez vous, écartez vous, j’arrive, je fonce, je veux voir la mer.
Les aulnes, indifférents, ne bronchaient pas. Le plus grand murmurait :
– Elle va se calmer, je ne bronche pas.
Le gros rocher recouvert de mousse épaisse, avait bloqué son épaule et l’envoyait valser vers les ronciers qui s’en fichaient aussi. Ils déchiraient l’onde vagabonde, déchainée, impétueuse, d’une fluidité à contourner tous les obstacles.
Tous étaient là à affirmer leur existence, déterminés à imposer leur présence.

Je les regardais, les entendais se chamailler, je mesurais la force de la nature qui m’ignorait.
Je n’étais qu’un passant qui passe dans un monde trop grand pour moi.
Une conscience minuscule mais pleine de vie, bien décidée à exister aussi…

Elle filait par les ravines…
Onde calme dans un bassin, les aulnes environnants se miraient pour comparer leurs élégances hivernales.
Dans un fracas inquiétant, un vieux pin venait de céder sous un coup de boutoir du vent. Son squelette décharné depuis belle lurette s’était brisé en pièces éparpillées.
Tout était redevenu calme, le fût du résineux trempait sa plume dans l’encre brune pour écrire un mot.

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