Pourquoi ?… Sur le chemin du Comment.

DSC02489DSC02500On va avoir des poussins ?
Non.
Pourquoi ?
Parce qu’il n’y a pas de coq.
Alors tu achètes un coq, Missiaù !
(Le comment ce sera pour plus tard)

 

 

La question « pourquoi ? » lorsqu’il ne s’agit pas de la scène banale du genre « Pourquoi tu n’es pas venu ? » est toujours hautement métaphysique avec sa connotation divine.

Pourquoi est-il malade ? Pourquoi les oiseaux ont des ailes et pas nous ? Pourquoi je n’ai pas de chance ? Des questions qui cherchent à savoir quelle intention se trouve à l’origine plutôt que tenter de comprendre le cheminement qui conduit à cet effet.

Si l’on tombe malade c’est qu’il y a une raison évidente ou obscure. « Comment est-on tombé malade ? » est bien la question qu’il faut se poser. Cela s’appelle éclairer un chemin sans se demander quelle malédiction a bien pu s’abattre sur nous.

La question « Pourquoi ? » conduit toujours à une impasse ou une croyance, la question « Comment ? » peut s’avérer éclairante un jour ou l’autre.

C’est en observant ma petite fille qui vient de franchir ses trois ans de quelques mois que m’est venue cette idée. Elle est très bavarde parce qu’intéressée par tout ce qui se présente à elle. Alors, elle bombarde son monde de « Pourquoi ? ».

Elle a connu mamie jusqu’à un peu plus de ses deux ans. C’était encore frais dans son esprit. Elle allait la visiter dans sa maison de retraite ou la voyait chez nous. Mamie est partie et ses parents lui ont expliqué qu’elle est partie dans les étoiles. L’idée de mort n’est pas encore mature dans l’esprit de cet âge. Chaque chose en son temps.

Il y a quelques jours, Anna Livia se rendait au village avec sa minà et passant devant la maison de retraite, lui dit : « On va voir mamie ? » Sa grand-mère lui rappelle ce que ses parents lui ont déjà « expliqué ». Je mets des guillemets car l’explication n’en est pas une, provisoire seulement, en attente de mieux. Après son éternel « Pourquoi ? » qui signifiait sans doute « Pourquoi a-t-elle choisi de s’en aller là-haut », elle déclara «  Comment, elle a fait pour avoir des ailes ? » Puis baissa la voix pour dire un secret : « Et si on se mettait des ailes pour aller la voir dans les étoiles, sans rien dire à papa et maman ? » La question est carrément d’action cette fois-ci. Hélas, ne se met pas des ailes qui veut, Icare en a su quelque chose ou n’a pas eu le temps de savoir…

Pendant que nous étions à table, je lui parlais de son père lorsqu’il était enfant comme elle.  Nous allions à la pêche à la mer, photo à l’appui. La question a fusé : « Pourquoi, je ne l’ai pas vu ? » Son père lui répond machinalement, « tu n’existais pas encore »… « Et pourquoi j’existe si je n’existais pas ? »

Toute la question est de savoir si, devant tant de vivacité, il est temps ou non d’aller plus loin dans les explications. C’est une affaire qui ne se calcule pas, on le sent ou pas mais il faut toujours avancer un peu plus. Toujours fournir l’élément qui va un jour provoquer un basculement. Et lorsque l’on perçoit un peu de maturité, on tente une approche plus réaliste. Chaque enfant avance à son rythme selon les sollicitations de son entourage.

La dernière remarque en date a été de dire à son père avec qui j’échangeais quelques mots en Corse : « Papa, tu m’apprends à parler comme vous ? ». Comprendre, aller plus loin, telle est son envie, sa manière d’être et ce n’est pas toujours de tout repos pour ceux qui l’écoutent. Une personne de l’environnement scolaire, sans doute épuisée par les questionnements a lâché à la maman d’Anna Livia : « Elle parle comme une vieille votre fille ! ». Ce qui en langage vert ou plus prosaïque signifie « Elle est chiante ». En se posant la question, « Pourquoi parle-t-elle autant et ainsi ? » cette personne obtient la réponse « Pour enquiquiner le monde ». En revanche, « Comment, par quel processus en est-elle arrivée là ? » serait hautement profitable à sa propre gouverne…

Chercher le Comment plutôt que le Pourquoi est sans doute plus fatigant… oui, oui, beaucoup moins reposant.

Gaston Bachelard définissait ainsi l’esprit scientifique qui s’intéresse au Comment : « L’esprit scientifique doit se former contre ce qui est en nous et hors de nous, l’impulsion et l’instruction de la nature. »

En clair cela signifie que cet esprit n’est pas inné, qu’il s’acquiert au prix d’une lutte difficile contre l’anthropomorphisme (expliquer les choses à travers ses sentiments et ses ressentis sans prendre de recul) et le spectacle trompeur de la nature (Qui sait qu’un corps qui respire, une bougie qui brûle et un clou qui rouille, répondent tous à la loi de l’oxydation qu’elle soit lente ou rapide ?) Pas facile.

Avouez définitivement que ce n’est pas de tout repos et pas accessible à tous…

C’est très bien ainsi. Le monde est ainsi fait.  M. ou Mme Pourquoi évoluent en regardant vers le ciel pendant que M. ou Mme Comment marchent en observant leur chemin.

Pourquoi et Comment, l’un s’adressant à l’âme et à l’énigme, l’autre à l’esprit, se rejoignent parfois au crépuscule de la vie. Le  Pourquoi très présent à l’aube de cette même vie réapparait fortement comme une interrogation intrigante. Interrogation du tout jeune qui apprend, alors qu’il n’a pas de passé ; interrogation de celui qui parvient au bout du chemin en se demandant ce qu’il fait là.

Qui suis-je ? Que fais-je ?  Où vais-je et pourquoi ?   

Un Pourquoi que l’on sait sans réponse… la vie est un chassé-croisé entre saura ou saura pas.

1 Comments

  1. Tu as une merveilleuse petite fille, profites en le plus possible les années passent tellement vite.
    Bien entendu je ne te parle meme pas de ton texte car comme d’habitude tu es …….

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