Une confidence inattendue… et des propos mis bout à bout d’une seule traite.
Une personne beaucoup plus jeune et qui a pris l’habitude de venir chez moi plus souvent, m’a parlé plus longuement que d’habitude :
« Depuis que tu es retourné dans ta maison, j’y viens plus fréquemment en traversant toutes les saisons. On y entre sans souci. On ne passe pas les patins en franchissant le seuil, on ne visite pas ton carrelage, ta décoration… elle n’est pas habitation de monstration mais lieu de vie. On s’assoit, on se relâche, on entre en quiétude pour libérer toutes les toxines du stress, emmagasinées durant la semaine. On file au jardin ramasser des légumes, cueillir des fruits… Je bêche à tes côtés, je te regarde faire et je calque mes premiers pas. En un rien de temps tu as trouvé… la poêle, la cocotte en fonte, une salade, le four à bois ou des grillades. Tu inventes une soupe, tu habilles des œufs durs même avec une ratatouille fraîche pour éviter la mayonnaise. J’ai lu tes histoires de l’enfance et cela me faisait sourire. Maintenant, je comprends. Je sais que la vie d’alors dictait votre conduite. Je sais que tu regardais, que tu te roulais dans les contrastes de la vie pour en tirer la substantifique moelle. C’est ton œil malicieux qui me le dit. J’aime regarder ma grande fille qui te suit au jardin, qui te tire par la main pour aller aux poules. Sa préférée est la blanche. Elle file au raisin, aux figues, aux noix… elle creuse à côté d’un sillon que tu viens de tracer pour y enfouir des pommes de terre. Parfois, elle nous écoute parler en Corse puis lâche : ‘Papa, tu m’apprends à parler comme vous ?’ J’adore cette grenaille nouvelle que tu passes au four avec herbes, sel et huile d’olive. Je comprends mieux ton écriture. Ce n’est pas du folklore c’est un mode de vie réel qui m’enchante aujourd’hui. Un jour, je reviendrai à cette terre aussi. J’ai regardé, tu sais. Je suis encore maladroit mais ne t’inquiète pas, je saurai emboiter mes pas. Tu rêvais de retrouver les sensations de ton père, revivre un peu comme dans ta prime jeunesse. Tu dis souvent : ‘ Comme Ulysse, plein d’usage et raison, je vivrai le reste de mon âge au plus près de mon rêve et de mes envies…’ Maintenant, je sais quelle a été ta vie. »
Un jour quelqu’un m’a dit : (C’était juste avant la Toussaint) Papa, j’ai compris. Cette vie me plait aussi. Un jour, je referai ce chemin et je plongerai au cœur de vos vies passées. Je me souviendrai de tes textes et ce sera partie de ma vie.
Il y a des jours, où sans rien dire et sans rien demander, on reçoit le message. Celui qui apaise : le témoin est passé, maintenant, je peux filer tranquille la suite de mes jours… en restant qui je suis.
Il est possible de vivre sa vie pleinement en toute indépendance et se souvenir de temps en temps, en filigrane, de la vie de ceux que l’on a aimés et qui vous ont aimés.
Une vie passe, une autre lui sourit…
Vous ne serez pas surpris que j’ai été touché.
Bien à vous