« Ploc ! Ploc !
Quatre-vingt-six, quatre-vingt-sept.
Ploc, ploc, ploc !
Quatre-vingt-huit, quatre-vingt-neuf, quatre-vingt-dix.
Le noyer faisait des efforts pour ne pas se tromper dans son comptage, c’est très important pour lui.
Il soupira en attendant le prochain passage d’Eole, il n’était plus très loin de la centaine, un nombre dérisoire mais qui produisait son effet sur le moral d’un arbre comme un quota minimal et nécessaire pour que l’espoir renaisse. Ça le rassurait.
Alors qu’il reprenait ses esprits, un coup de vent inqualifiable, une sorte de bouffée comme une queue de mistral soudain, sans gêne et sans vergogne, bouscula toutes les branches qui barraient son passage. Une flopée de plocs frappa le sol de sorte que notre noyer, surpris et embrouillé dans ses comptes, ne s’y retrouvait plus. – Cent-dix ! » dit-il ou cent-trente ! Tiens !
Il avait retrouvé sa bonne humeur et abandonna illico son pointage. Je l’ai entendu murmurer :
– L’année prochaine, ça ira mieux… »
C’était en octobre 2019.
Cette année, la récolte des noix est en avance mais avec un été sec et caniculaire, les fruits sont petits et nombreux sont les malades.
Hier, toute la journée, le vent a soufflé en continu et en très fortes rafales par intermittence. Le noyer a été très secoué.
On entendait, durant la nuit, le bruit sec, à peine étouffé par le souffle rageur, des noix qui frappaient le mur de la maison. C’est qu’Eole en furie s’amusait à éclater les coques en les projetant très fort contre tout obstacle dressé sur son passage, sans y parvenir car elles sont coriaces.
C’était un festival de tac tac plus secs que les plocs étouffés par l’herbe.
Les nuages couraient dans le ciel, affolés par les poussées brutales du dieu du vent totalement déchainé.
J’imaginais la tortue et le hérisson sous le bombardement intense, ils ont dû mal dormir. Même cachés sous les buissons, il pleuvait des noix partout sans se soucier des chutes sur un petit crâne. Heureusement, Sniffy l’insectivore se met en boule et Saladine la tortue a la carapace solide !
Le noyer n’y pouvait rien face à la violence du vent mauvais, il cédait ses fruits un à un, quatre à quatre et parfois par dizaines sous les baffes, dérouillées et torgnoles éoliennes. Il craignait pour ses branches et s’inquiétait de perdre un bras…
Ce matin, c’était plus calme. L’arbre semblait endormi après l’insomnie de la nuit. C’est sous quelques faibles giboulées de pluie fine, les caresses d’une tramontane devenue raisonnable, que j’ai récolté ce que voici :
Beau texte pétillant au rythme des ploc ploc 🙂
La récolte est quand même sympa !
Tout n’est pas tombé.
Les noix sont petites, de toute manière je prends ce qui me revient et c’est l’occasion d’en faire un récit sautillant 😉