Le moine et le papillon.

Il y a des moments bénis qu’il faut savoir cueillir…

C’était aujourd’hui juste avant midi.

Annette et Marie-Jeanne sont rentrées au village pour se ressourcer un peu. On peut tourner comme on veut c’est souvent dans son village natal que l’on retrouve souffle de vie.

Toutes les deux avaient apprécié « Au cœur de mon village, mon village au cœur ».
Annette la maman se souvient parfaitement de tous les moments relatés et Marie-Jeanne me disait qu’elle vivait l’histoire comme un film. Vous imaginez si mon plaisir était grand d’avoir ému de la sorte des villageois qui se souviennent encore…
Elles m’avaient sollicité pour une dédicace, ce fut avec plaisir que j’acceptai.
J’ai vécu un moment de sympathie, de franche empathie.
Une grande sérénité émanait de ces personnes, la rencontre fut simple et très chaleureuse.

Comme à mon habitude, vous connaissez le personnage, je me suis largement épanché sur les choses de notre vie d’avant.

Prenant le relais, Annette me raconta un épisode que j’avais totalement occulté, un refoulement sans doute, ce qui est plutôt rare dans mon cas.

Dès ses premiers mots, j’ai compris, au pétillement de ses yeux, à son sourire attendri aussi, qu’elle allait raconter merveilles. Elle se souvenait de moi très jeune enfant, six ans à peine, me semble-t-il.
Elle pétillait de mots gentils : Qu’il était mignon, qu’il était beau dans son habit de moine ! disait-elle à la petite cantonade.
Il trottinait à petits pas jolis, montait les escaliers de mignonne façon dans sa robe de bure ! Et elle souriait de plaisir. L’image, dans son esprit, était réelle, pourtant, devant elle j’avais pris grand âge ! Toute la description émanait de son visage souriant, presque rempli de bonheur. Visiblement, le souvenir était très vivant et très actuel.

Je ne me souvenais pas de cet épisode et je crois savoir pourquoi. Je sortais d’une grave maladie qui emportait les enfants. Je fus sauvé par le docteur Mela mais perdis grande partie de mon audition. Quelques jours plus tôt, pendant mon expo photo, un médecin chirurgien orthopédiste m’expliquait que son père, également toubib, lui avait raconté cet épisode. Il n’y avait que simple alternative, c’était la mort ou ototoxicité médicamenteuse qui sauvait les enfants.
J’ai compris que pour remercier le divin, ma tante Marie, fervente sacristine en chef, m’avait fait moine. Elle adorait suivre l’office devant la cheminée totalement customisée, ah le vilain mot, transformée en autel.
Je disais messe ordinaire sur messe solennelle pour son plus grand bonheur.
Elle avait confectionné un long napperon qui prenait toute la surface plane de la cheminée et pendait en dentelle fine. Deux quinquets posés sur les côtés, un crucifix trônait au beau milieu, un lumignon flottait dans un verre d’huile d’olive. Elle me regardait, s’inclinait devant mes mains levées au ciel et faisait moult génuflexions sans jamais interrompre mon latin. Le regard au Paradis, de larges mouvements de bras avant de joindre mes mains en signe de prière… Oh lala ! Tata était aux anges… Voilà ce qui m’est revenu à l’esprit après le récit d’Annette.

Pendant notre conversation et nos sourires, un lépidoptère papillonnait devant nous. Il allait et venait, faisait mine de se poser sur l’épaule de Marie-Jeanne puis hésitant, sans doute de peur de nous déranger, repartait dans des arabesques joyeuses et sautillantes. Il ondulait, frôlait les nez, s’attardait devant une oreille et repartait au loin. Je crois qu’il s’est exprimé ainsi deux ou trois fois, deux c’est sûr.
Marie-jeanne m’a fait signe : Tu vois, ça c’est papa ! Il est avec nous !

Je venais de dédicacer leurs livres en évoquant Valère, époux de l’une , père de l’autre. Il figure en bonne place dans l’ouvrage qui relate la vie dans le Levie d’avant.
L’homme était inoubliable pour moi, il a produit l’effet du papillon, non l’effet papillon, durant ma vie d’enfant, c’est pourquoi je ne l’ai jamais oublié.

Ce fut une rencontre magnifique, magique, voilà des moments où l’on se dit : La vie est belle !

Le papillon était là pour nous le rappeler, le moine nous faisait juste un clin d’œil…


Le flambé sur des fleurs de lantana.
Puisque tu le dis !

2 Comments

  1. Quel beau moment bien raconté, et belles photos à l’appui.
    Un petit moment de bonheur cette lecture.
    Le week-end de l’expo s’est bien passé ?
    La tempête vous a épargné ?
    Bon week-end Simonu.

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