Paroli, paroles.

Voici, en totale anarchie, un flot de paroles corses que l’on n’entend quasiment plus dans nos quartiers.

J’avais du temps à perdre et je me remémorais des mots d’usage courant pendant mon enfance et ma jeunesse au village.
On nous interdisait de parler corse dans l’enceinte de l’école, le naturel revenait au galop, il ne nous venait jamais à l’esprit de parler autrement qu’en corse à nos parents et ce réflexe resurgissait lorsque mes ascendants passaient une partie de l’hiver chez moi sur le continent, même lorsque nous avions des invités continentaux. Je m’adressais à eux en corse exclusivement.
Nous pratiquions la langue au quotidien, hors de la classe.
Dès la récré, malgré les réprimandes, nous ne pouvions nous réfréner.
Si l’on compte sur l’apprentissage scolaire pour maintenir et transmettre notre langue, « ohimé à dui mani » ! dit-on chez nous (intraduisible en français, une marque de gros doute).
Il suffit de constater la pratique de l’anglais de ceux qui ont un cursus assez long de la langue de Shakespeare.
Je me souviens d’un livre de CP, on y découvrait « a crapretta bianca e a farina castagnina ». Si l’on compte capter le corse avec la chevrette blanche et la farine de châtaignes à 25 € le kilo que peu d’enfants auront la chance de goûter, je prie le Bon Dieu pour qu’il bénisse tous les livres bien intentionnés.

Une langue se pratique au quotidien ou se perd, tout le reste n’est que vaine littérature.

Ces mots me sont réapparus en vrac, je vous les livre comme ils sont revenus.

Sogu abambanatu = Fatigué, assommé, estourbi et très étonné au figuré.
Unu sturzonu = Un gros morceau à avaler susceptible d’étouffer.
Sgambadà = Tituber, trébucher, perdre l’équilibre dans le fil des pas.
Una porta sbalasgiata = une porte grande ouverte.
Una scuzzulata = Secouer fortement, être fortement contrarié.
Una sgiuca coccia = Une chèvre sans cornes.
Un biscicanti = De biscica/cloque, à la pétanque faire un carreau (terme local inventé durant une partie de boules).
Un colpu à l’imbruschinu = Lever le bras au ciel en deux ou trois mouvements pour baisser la manche avant de tirer une boule. Référence aux femmes qui secouaient le grilloir à café, à la verticale, pour mélanger les grains et éviter ainsi de les brûler. Une opération effectuée en grillant avec le cylindre qui tournait au-dessus d’un brasero.
Una stagnala = Un vieil ustensile rouillé ou en très mauvais état.
Sbussulatu = Dévalisé, avoir tout perdu. Terme souvent utilisé lors d’une partie de billes « M’a sbussulatu », il a gagné toutes mes billes.
Runcà = L’asinu runca, l’âne brait. Utilisé pour dire que quelqu’un ronfle. Imbè quantu idu runca (ronca) !
Attriciulatti = Tressés. Souvent employé pour dire qu’il pleut fort, dru : « l’aqua falaia attriciulata » ou que les coups portés à quelqu’un sont nombreux et rudes « I colpa fallaiani attriciulati »
Sbidicaratu = Qui rit aux éclats. Vient de bidicu/nombril, à s’éclater le nombril.
Scupulà = Couper en deux. Souvent pour parler d’une variété de pêche qui se sépare facilement par simple torsion « A presca scupulaghjola »
Tirati capiu = Va te pendre, va au diable ! U capiu/ le nœud coulant.
Sbacinà = Terme très intéressant qui signifie, au figuré, aller chez quelqu’un vider son sac, se soulager. Raconter ses malheurs pour s’alléger la conscience. Au propre, c’est vider le décalitre, unité de mesure de dix litres, souvent pour mesurer une quantité de noix, de châtaignes, parfois d’olives pour un usage ménager, dans ma région. Ailleurs ça peut être autre chose.
Un bacinu di noci = un décalitre de noix (c’était au volume et non au poids).

In balcunata = Etre à la fenêtre de manière ostentatoire. La personne est bien visible et s’affiche.
In affacchetta = Epier à travers des volets, à peine visible. Dénote la curiosité en même temps que le catimini pour se rendre invisible, mais aperçu quand même.

Ces explications n’engagent que moi et ont été notées dans la foulée, spontanément sans aucune autre correction.
L’orthographe par exemple est approximative, je n’avais pas l’intention ni l’ambition d’imiter le dico, c’est juste un simple retour dans l’enfance.
La proposition est désordonnée et non exhaustive évidemment. C’est venu comme ça.
Dès que j’en retrouve d’autres, si cela intéresse, j’y reviendrai.

L’école assurera l’usage courant du corse lorsque les pins de Bavella auront les pieds dans l’eau…

3 Comments

  1. On dit qu’il n’y a qu’une façon pour asservir un peuple : le priver de sa langue…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *