J’ai toujours pensé qu’il ne fallait jamais prendre un philosophe comme ministre et encore moins un philosophe enseignant comme ministre de l’Education Nationale. On ne choisit pas, non plus, un militaire aux armées dans une démocratie éloignée de toute idée belliqueuse.
Les philosophes sont têtus. Ils ont presque tous une chapelle, alors que le propre de la philosophie serait d’explorer toutes les pistes possibles avant de choisir une voie. Le mieux serait une voie comprise et admise par le plus grand nombre plutôt que celle qui n’éclaire que les hauts esprits de ce monde. Comme Arrias des Caractères de La Bruyère, en hommes universels, ils ont généralement tout vu, tout entendu et tout compris surtout lorsqu’ils sont passés des bancs de l’école à l’estrade du professeur. C’est bien dommage.
Ils se voient volontiers bousculer les choses, donner des grands coups de pied dans la fourmilière pour que du fourmillement qui s’en suit jaillisse la lumière.
Un ministre philosophe, plus que tout autre, a toutes les chances d’être compris par les esprits éclairés mais totalement incompris des esprits moins lumineux.
Notre ministre actuel, Vincent Peillon s’est lancé dans un projet ambitieux en voulant tordre définitivement le cou aux idées sexistes. Il veut en finir avec cette habitude de faire d’une fille, une fille définitive et d’un garçon, un mâle perpétuel. Il rêve d’une société apaisée dans laquelle chacun pourra naviguer à sa guise entre genre masculin et féminin sans tenir compte, évidemment, de tous les effets pervers que cela peut entraîner lorsque l’idée fondamentale n’est pas évidente pour tous.
Comment voulez-vous que le commun des parents, préoccupé par le lire, l’écrire et le compter, qu’il a lui-même abordé dans des conditions souvent difficiles, comprenne aujourd’hui la priorité du genre dans la société ? Faudra-t-il, dans une deuxième étape permettre le choix du genre des mots pour que chacun s’épanouisse à sa guise dans la jungle orthographique ? Une sorte d’égalité universelle dans le choix de ce qui procure plaisir d’être à l’école jusqu’à à se trouver face à des adolescents qui ne souhaiteraient plus la quitter tant ils se sentiraient bien.
On peut facilement objecter qu’il ne faut pas renoncer à un projet parce qu’il est incompris. Certes, mais il faut une sacré dose d’assurance pour estimer que tout ce que l’on projette se trouve dans le droit fil du vrai chemin à suivre.
L’école a toujours été considérée comme une éponge et à force de boire, elle est devenue totalement saturée. On considère que tout doit passer par maternelle et primaire car tout est apprentissage, prévention, prophylaxie. On raisonne comme si, parvenu à l’état d’adulte, l’homme était incapable d’apprendre encore et de comprendre.
Par quel bout prendre l’histoire, les religions, les méthodes de lecture ? Par quel bout éclairer sur les différences, les dangers de la route, la pauvreté, la cause animale ?… L’école n’en peut plus. Il sera difficile de remplir les petites têtes de tous les bonheurs de la planète en leur apprenant à se débarrasser de maux qu’ils ne connaissent pas encore.
Lorsque l’on vise la société idéale, il faudrait songer que tout bien être s’accompagne de mal être ou n’existe pas. La vie se chargera de trouver d’autres effets pervers, de quoi donner du grain à moudre aux futurs ministres de l’Education pour justifier encore leur existence.
Dans les cours de maternelles, les enfants chantaient « Passe, passera… la dernière, la dernière restera » … Passe, passera, le dernier, Peillon y restera.
J’écrivais, il y a trente ans, à propos des ministres de l’éducation, ce sont des Grands Manitous et Grands Remanie Tout de passage qui n’arrêtent pas de se faire les cornes en changeant celles du totem précédent. Cela n’a jamais changé. On cherche toujours le bon totem.