Aimer la vie vous ramène toujours à la vie. Pour moi ce n’est pas une lapalissade mais la meilleure des choses qui puisse nous arriver sans se préoccuper des sarcasmes des puristes de tout poil.
Aujourd’hui, je faisais des pâtes à ma guise. Vous connaissez, désormais, mon amour de la cuisine spontanée presque sensitive. Une cuisine qui vous vient des envies du moment et souvent réveille des souvenirs. C’est « l’ici et maintenant » qui vous rappelle « l’avant », les bons moments du passé qui vous présentent un visage familier et vous tirent un sourire.
Mon envie du jour, c’était de faire sauter des moules déjà ouvertes avec de l’ail et du persil dans de l’huile d’olive. Juste de quoi leur tirer un peu de jus sans trop l’évaporer. La cuisson al dente de spaghetti versés dans la poêle maintenue chaude. Une large pincée de fleur de sel, une poignée de parmesan râpé et une bonne volée de piment d’Espelette pour rougir le tout.
C’est en fermant les yeux pour apprécier ce moment de gourmandise que l’image de mon ami Malo a ressurgi de mon histoire. Les moments heureux de ma jeunesse se sont invités à ma table. Cet homme plus âgé que moi, s’était pris d’amitié alors que je n’avais rien à offrir à quiconque sinon ma personne à l’état brut. J’étais une sorte de traîne-cul les housettes* comme l’aurait décrit Jean Richepin. Il a dû comprendre mon sourire puisqu’il ne m’a jamais rien demandé. Il a emboîté le pas de sa vie sur le mien. Une amitié du genre « parce que c’était lui et parce que c’était moi ». Rien d’autre entre cela. Jamais nous n’avons cherché ni le pourquoi ni le comment.
Il livrait le lait dans Nice et ses alentours, débutant sa tournée vers minuit. Parfois, il venait me réveiller, au hasard de ses envies pour j’aille avec lui, l’accompagner dans son parcours nocturne. Nous arrivions le matin vers sept heures pour faire un tour dans le marché de son quartier. Il choisissait des steaks très larges et bien épais comme je n’en avais jamais vus, qu’il faisait juste saisir dans une poêle déjà chaude d’une sautée de pommes de terre à l’ail et au persil. C’était pour moi des repas de fête, il n’a jamais rien dit, prenant seulement le plaisir de ces moments heureux.
Il adorait les pâtes fraîches et la tête de veau. C’était l’occasion d’escapades dans le vieux Nice chez un restaurateur Italien qu’il appelait Peppone. Un pèlerinage culinaire auquel il me conviait lorsqu’il avait envie de me faire plaisir. Je me souviens de ces tranches épaisses gélatineuses encore fumantes, accompagnées d’une sauce ravigote bien servie. Un moment de silence, le nez planté au-dessus des effluves pour capter les vapeurs du bouillon, puis un regard, un sourire suivis du plaisir des papilles. Des instants de bonheur qui gravent à jamais votre mémoire.
Aujourd’hui, il était à ma table. J’ai dégusté mon plat de spaghetti en pensant à nos temps de vie dans les rues de Nice… J’ai savouré, je ne lui ai pas parlé mais je l’ai regardé longuement.
Elles étaient bonnes nos pâtes, hein Malo ? Il a esquissé un sourire, je l’ai compris.
*Traîne-cul les housettes, expression qui figure dans un poème de Jean Richepin, la balade des gueux, quelque peu exagérée dans mon texte. (personne errante mal fagotée)
euuh perso je n’ai pas suivis la plupart du temps. Peut être que le langage est un eu trop soutenu pour moi mais bon… Par contre j’ai apprécié la simplicité et la subtilité sans la description des moments, aussi petits soient-ils. Chapeau
Merci, Kader, d’être passé par mon blog. L’essentiel est d’avoir apprécié l’esprit, même si la lettre vous a quelque peu gêné. Bonne soirée.
Même silencieux … il nous a fait partager par votre entremise des choses bien plaisantes.
A vous relire
Salut Gaëtan. Merci pour votre fidélité. J’attends vos prochaines découvertes photographiques.
bonne soirée.
très beau ,très émouvant aussi,je ne sais comment m’exprimer,la simplicité avec laquelle vous parler de ce monsieur,il n’y a que vous pour écrire de cette façon .
bonne soirée
Merci Hélène, vous êtes bien aimable. Des commentaires comme le vôtre ne peuvent que m’encourager à poursuivre ces portraits que l’on dit du passé et qui ont pourtant construit notre futur.
Lorsque le plaisir de lire est pour lecteur, je m’en trouve ravi. Bonne journée.