Je m’baladais le long des rues, l’œil en alerte, toujours prêt à dégainer mon compact de poche.
Je m’étais arrêté pour cliquer sur n’importe quoi, cela me démangeait depuis un bon moment.
A une bonne vingtaine de mètres devant moi, une dame déambulait, croisait ses jambes et observait, je ne sais quoi.
Je m’étais arrêté, à bonne distance, pour la regarder, cherchant à deviner ses envies, ses préférences.
Elle me semblait bien aérienne, souple dans ses pas, légère dans son allure, un tantinet énigmatique.
Elle n’avançait pas beaucoup, elle lambinait devant les vitrines mais paraissait viser l’accessoire, le vain, le dérisoire des soldes affichés en grandes pompes.
Elle sourirait, se tordant le cou, faisant mine de lire en diagonale la démesurée bande oblique des « – 75 % ».
Elle haussa les épaules et son visage sans fard, d’une beauté à vous faire baisser les yeux, s’illumina d’un air angélique. Insouciante et détachée des contingences soldées, elle trottina léger léger jusqu’à la vitrine suivante, retordit le cou avec une grâce divine. On aurait dit qu’elle descendait du ciel, inapprochable, inabordable, la beauté féminine interdite, celle qui décide et vous ignore.
Je faisais mine de flâner, presque aussi détaché qu’elle, donnant l’air d’être indifférent à tout.
Cette apparition magique m’ignorait royalement, son esprit éloigné du mien de quelques années lumière.
Elle était toute proche, parvenue à deux mètres seulement, lorsque je remarquai qu’elle balançait un livre à la cadence de son bras gauche.
Etait-ce un clin d’œil divin ?
C’était le mien.
Comme une évidence, toute hésitation envolée sur le champ, je lui adressai un sourire :
– Voulez-vous que je vous le dédicace ?
Je suis l’auteur et vous la passante sans soucis.
Une belle coïncidence pour une improbable et mystérieuse rencontre, non ?
Elle m’adressa un sourire tranquille, aucune surprise dans son attitude, elle poursuivit sa promenade sans presser le pas.
Elle se retourna, revint vers moi et me dit :
– Allez bonne idée ! puis tendant le livre : Dédicacez, dédicacez, que vous soyez l’auteur ou non m’importe peu, c’est l’éclair qui compte !
J’ai tâté mes poches, elle comprit que je n’avais point de stylo sur moi, fouilla dans son sac et sortit un stylo plume.
Un geste trop rapide, sans doute un acte manqué, son porte-plume chuta, le capuchon buta contre le mur et vint choir à mes pieds.
Un bruit sec et inattendu me tira illico de mon rêve éveillé.
Hélas, j’étais en vadrouille idéelle, l’imagination en totale liberté, la belle dame s’est envolée.
J’avais oublié que je n’étais pas un écrivain.
Le petit plus du jour.
vous êtes vraiment distrait 😀 que l’écrivain que vous êtes puisse oublier qu’il pensait ne pas être écrivain, c’est kafkaïen 😀 belle journée Simonu
Je me dis écrivant et cela me convient amplement, Gibu !
En même temps, je m’amuse avec les mots et les situations.
C’est un éternel va et vient dans la vie avant qu’elle ne ferme sa porte 😉
Belle journée Gibu !
Ha très joli, j’aime beaucoup ce texte entre rêve et réalité, une histoire dans un style sautillant et pourtant pas si légère qu’il n’y paraît à première vue.
Chapeau ! (et pas en solde )
Merci pour le chapeau !
Justement, je regardais une vitrine et me choisissais un chapeau, j’hésitais trop, alors j’ai renoncé. 😉
Un texte magnifique. J’aime bien aussi ce mélange de rêve et de réalité.On est plongé au coeur de l’histoire puis on revient à la réalité d’une façon, je dirais, inattendue.
J’aime bien aussi l’image du chasse-heures.
Ce sont ces commentaires qui me motivent et m’incitent à poursuivre…
Cela me maintient en vie joyeuse 😉
Merci Tatiana.
j’ai adoré ce texte entre rêve et réalité où vous avez choisi une belle femme (elle aurait pu être quelconque non ? Rire)
Bonne soirée Simon
🙂
Ah, Gys !
Quand on rêve, mieux vaut ne pas faire de cauchemar 😉
C’est l’occasion d’en profiter et puis un quelconque entouré de beau… il sourit tout seul, il rêve quoi !
Faites de beaux rêves, ça vaut le coup 🙂