Ces Arrias, quelle tristesse…

Image : Masquez l’œil à gauche et vous découvrirez un visage, masquez l’œil à droite et vous en découvrirez un autre.

La vraie face de ceux que vous avez crus.

L’homme est ainsi fait, il a la mémoire courte. Il jubile sur la joie du moment,  poussé par l’euphorie à faire des promesses qu’il ne tiendra jamais.

Il ne s’agit pas d’une amertume mais d’une constatation remplie de tristesse surtout lorsque ces gens de la même génération ont été vos amis.

Ils se gargarisent d’un autre temps meilleur, d’un mieux-être avant, se prévalent de valeurs qu’ils ont abandonnées, puis tissent leur propre piège sans la moindre conscience de ce qu’ils sont devenus. Entre le vrai et le faux de leur condition nouvelle, ils vont et viennent dans le temps au gré de leurs avantages mesquins, malsains, si l’on tient compte de leurs palabres sans aucune sincérité. Une sincérité de façade très éphémère qui dure l’instant où vous leur venez en aide ou leur donnez votre confiance. Vous avez droit à tous les compliments, toutes les promesses et puis, le temps passant, tout s’efface dans l’oubli.
Lors de rencontres fortuites, puisque qu’ils ne viennent plus à vous hors du besoin, ils portent aux nues d’autres personnes qu’ils ont vertement critiquées devant vous. Ils les avaient démontés pour mieux les remonter un jour. Ils sont cul et chemise désormais, comme on dit trivialement, et ne se rendent même pas compte de leur inconsistance, vous en faisait force récits admiratifs.
Quelle tristesse ! Quelle misère !

« Tu vas voir ! » disaient-ils, les jours de bon accueil, et puis on ne voit jamais rien venir. Ceux qui ont une once de lucidité vous évitent maladroitement pour ne pas affronter votre regard. Les autres, comme si rien n’avait été dit, ni promis, font la preuve de leur misérable parole.
Quelle tristesse ! Quelle misère !

Comme Arrias dans « Les caractères » de La Bruyère, ils ont tout vu, tout entendu, ils « aiment mieux mentir que se taire ou de paraître ignorer la chose ». Ils ne racontent rien qu’ils ne « sachent d’original » (de source sûre), « Ils l’ont appris de Sethon ambassadeur de France… » à la cour des faux-culs. Ils parlent à voix basse et vous apprennent des faits extravagants, les dernières nouvelles du village que vous ignorez pour vivre à l’écart des choses qui ne vous regardent pas. Un crescendo dans les récits qui vous laisse pantois de sorte que vous préférez vous taire que perdre votre temps en raccommodages incertains.
Quelle tristesse ! Quelle misère !

On comprend vite que c’est peine perdue et que vous serez le prochain à passer à la moulinette si vous vous hasardez à montrer votre étonnement. Si vous dénoncez ce comportement, ce changement d’humeur et d’avis, les yeux dans les yeux, ils se défendront de ne point trahir ce qu’ils ont toujours été, des êtres propres et de parole. Attendez-vous à ce qu’ils vous sonnent les cloches à la volée sous de bonnes oreilles qui prêtent facilement audition. Le glas bourdonnera dans les vôtres à défaut de siffler.
Quelle tristesse ! Quelle misère !

Parfois des nouvelles vous tombent dessus inopinément.
Ah ! Le bougre ! Il est ainsi !  On se sent trahi et honteux d’être encore en pleine innocence.
Honteux de s’être trop livré, honteux d’avoir ri avec lui jusqu’à tomber à genou, honteux de s’être pelé à vif, de s’être mis à nu pour dévoiler son âme profonde. Honteux de l’avoir cru, honteux qu’il en sache autant de vous.
Quelle misère ! Quelle tristesse !
Quelle honte soudain, de s’être exposé ainsi à un être qui n’a pour sincérité que son égotisme à faire valoir !

Quoiqu’on en dise, le débat serein, clair, qui fait avancer un peu, n’est pas à la portée de tous. Mieux vaut le savoir et s’épargner des joutes qui n’amèneraient qu’animosité et incompréhension.

Que ces Arrias nourris aux certitudes changeantes aillent en paix même s’ils méritent « una sciaulata di mazza scupina ». (Une fessée portée par une branche de bruyère … pour faire honneur à l’auteur des « Caractères »).

Et puis non ! Qu’ils aillent au diable ! Jamais plus, ils n’auront mon regard !

Qu’ils aillent au diable de leurs tourments !

8 Comments

  1. M. De la Bruyère a dépeint si bien en son siècle, les Arrias qui partout discourent … croyait-il qu’ils ne soient qu’aux moeurs de son siècle ? De votre témoignage, cette nature de caractère est bien désespérement attachée à l’homme en société, de siècle en siècle.
    Tristesse que vous fussiez aussi touché par telle nature, aveugle à elle même, constante réactive ignorante.
    Votre naïveté, s’il en est, est un joyau pur que personne ne peut altérer ; quiconque en serait dupe serait du même acabit. A ne plus fréquenter la cour, on oublie ses moeurs et pourtant, cher poète, combien d’écrits (au pied lever) vous pourriez citer narrant ce type de personnages ?
    De mon petit point de vue, ils ne méritent pas votre émotion claire. Mais bon, si ça fait de si beaux écrits … Alors intéressés, tant pis pour l’énergie négative à leur source. Il est dit que le poète souffre.
    Je vous fais le plus beau sourire du monde (pas le mien, qui en est loin). De plus, vous m’avez donné envie de relire M. De la Bruyère…

  2. L’humain, cet être perfectible… 😉
    Conservez votre bonne humeur Simon, sinon certains pourraient bientôt, par erreur, vous taxer, parfois, d’aigreur.
    Même si cela rime… 😉
    Catherine

    1. Ce n’est point aigreur mais surprise et dégoût, Cat.
      Cela fait partie des choses de la vie et je ne crains point de surprendre…
      Les saints vivent au paradis 😉 Je suis dans l’ici et maintenant, un être sensible aux coups tordus de la vie et tendre l’autre joue n’est pas dans mon plaisir 🙂
      Bonne journée CAT !

  3. Nous sommes, je crois, en communauté d’âmes ;-)… et ne transigerons pas avec les valeurs que certains s’échinent à dénier et/ou bafouer.
    Belle et douce fin de semaine Simonu. 🙂
    Cat

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