Bougeotte, le sphinx-colibri.

Vous ne pouvez imaginer à quel point il est difficile de photographier le sphinx colibri ou sphinx moineau, ce papillon atypique qui ne se pose jamais.
Il plonge sa longue trompe, qu’il déroule au dernier moment, au cœur des fleurs pour y aspirer le nectar.
Il file de corolle en corolle comme un hélicoptère, contrairement au vol chaloupé, hésitant et vagabond de la plupart des autres papillons.
Le nom de colibri lui convient à merveille lorsqu’il se pointe devant une fleur pour se ravitailler en vol stationnaire.
C’est sa manière de se mettre à table, un coup par-ci, un coup par-là, il ne tient pas plus d’une ou deux secondes en place.

Dans mon Aratasca, la meilleure période pour la chasse aux images se situe vers septembre/octobre. Durant ces deux mois les lantanas, les pervenches de Madagascar et la sauge arbustive, dont il semble raffoler, sont ou mieux de leur forme. C’est au moment où le soleil commence à décliner, que son activité est plus remarquée comme s’il se hâtait de finir son festin avant la tombée de la nuit.

La lumière est plus douce, c’est le crépuscule au cœur de la sauge arbustive.
Durant une heure environ, je fais le tour de la plante suivant les caprices de mon papillon préféré, souvent confondu avec un bourdon ou un frelon.
Totalement inoffensif, en bon papillon qu’il est, il sème la panique lorsqu’il déboule devant une personne innocente. Il cherche sa fleur et l’autre croit qu’il la poursuit.
Il n’en a que faire de l’humain, il est en mode butinage.
Rien de mieux qu’une image pour convaincre ces gens effarouchés du caractère paisible du papillon. Ils le voient toujours en mouvement, difficile à distinguer, c’est ce qui accentue et perpétue leur crainte du lépidoptère (papillon).

La séance de shooting, c’est bien de cela qu’il s’agit car il faut cliquer sans arrêt pour avoir une chance de cueillir un cliché correct, n’est pas de tout repos. Il faut être patient et trembler le moins possible. A main levée, il ne faut pas s’attendre à des miracles d’images parfaites car on cumule de nombreux handicaps pour obtenir une photo correcte.
L’insecte est toujours en mouvement, le chasseur d’images bouge et tremble, instable sur ses jambes et parfois un souffle de vent s’en mêle aussi.
La mise au point n’est jamais faite au bon endroit, bref c’est la loterie permanente de sorte que les clichés réussis sont des coups de chance. Sur une centaine de photos, on peut en compter moins d’une dizaine exploitables si l’on n’est pas un spécialiste du flou…

Mais quel plaisir lorsqu’on peut observer un moro-sphinx faisant le plein avec sa trompe dépliée.
Quel plaisir de retrouver toutes ces images devant un ordi sans savoir ce qu’elles nous réservent et de découvrir, parmi le lot, quelques clichés qui vous donnent satisfaction.
Ce n’est pas du tout le même principe lorsqu’on photographie une araignée, un clairon des abeilles, on peut tourner autour, chercher le meilleur angle, la meilleure lumière, attendre une intrusion, avec le sphinx colibri c’est impossible, on bombarde sans arrêt en ne sachant jamais ce que l’on emmagasine. Le plaisir est différé.

Quelles soirées magiques à découvrir les virevoltes, les incertitudes de notre papillon !

Je l’aurais volontiers affublé de noms divers : colibri velu, bougeotte, zigzag, l’imprévisible, l’hyperactif, foufrousse (pour ceux qui le craignent), comme d’autres le nomme sphinx du caille-lait (plante de prédilection dans certaines régions)

Parfois, lorsqu’il semble plus énervé que d’habitude et impossible à suivre, j’ai bien envie de le nommer l’ingérable patrouilleur, l’imprenable ou le foufou affairé… Vous avez sans doute votre idée.

Et, lorsque on le surprend à dérouler sa trompe et la plonger au cœur d’une fleur avec une précision chirurgicale, on ne serait pas étonné qu’il soit à l’origine des avions ravitailleurs en vol.

Sur la sauge rouge arbustive une fin d’après-midi d’automne.

A la conquête des pervenches de Madagascar.

En plein dans le mille.

8 Comments

  1. Vous en avez tiré une sacrée série, toutes les images plus belles les unes que les autres !
    Bravo pour la patience tout cet amour attentif envers la nature 🙂

    1. J’en ai bien plus que ça mais l’effet est répétitif.
      La patience Al ? C’est tout mon plaisir ! Si je veux parvenir à ce plaisir, je dois attendre et agir à bon escient., au bon moment.
      L’amour de la vie est là, dans la découverte puis dans l’ailleurs, autrement…
      L’étonnement perpétuel qui renouvelle le plaisir 😉

  2. Quel surprenant papillon ! Et quelle surprenante ressemblance avec ce petit oiseau, le Colibri, rendu célèbre par sa légende « je fais ma part », si prompt et rapide à l’effort. Je n’ai pas encore eu le plaisir d’en voir un mais qui sait … Lévie n’est pas si loin. Joie de savoir le reconnaître …
    J’imagine aisément toute l’osmose nécessaire à un pareil shooting. Chapeau ! Pour notre plus grand plaisir.

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