Dilection.

Mes écrits ne sont pas des plaintes, ni des leçons, ils sont divertissement, pour moi du moins.

J’ai toujours voué un amour discret à Séléné* et à la nuit en général. On dit que cette dernière porte conseil, cela me va très bien.

J’adore m’attarder au crépuscule, perdu dans un coin désert propice à l’imagination si ce n’est à la réflexion.
Le soleil décline, la lune règle sa lumière blafarde, les pensées s’agitent et le temps semble filer vers l’éternité.
Les images sont plus belles aussi.
Le paysage éclairé par la brunante et ses rayons rasants, moins vifs, s’ocre de paillettes dorées comme s’il se revêtait de l’or brut, un peu sale, d’une pépite tout juste déterrée.
De la sorte, La méditation interrogative cherche à deviner tous les » pourquoi » du monde ou les invente à sa convenance pour apaiser ses tourments. Je préfère m’amuser à explorer des pistes dont on ne connaîtra jamais la destination. Des chemins qui vagabondent et n’aboutissent guère, courent d’autres vicinales, d’autres sentes chargées des parfums de l’enfance. L’odeur de l’asphodèle en fleurs, de l’immortelle que l’on entreposait dans des caves, suffisamment à l’avance pour alimenter le feu de la Saint Jean. Nous allions parmi les senteurs qui s’imprimaient dans la mémoire olfactive sans que nous sussions qu’un jour, elles frapperaient aux narines, nous propulseraient quelques années en arrière. Un sourire revient aux lèvres, on se souvient d’une escapade, d’une anecdote, d’une fraîcheur adolescente. Un éternel recommencement freine la fuite du temps. Des parfums nous rattrapent par le col et nous repassent des images anciennes.

C’est à la tombée de la nuit, lorsque tout s’éteint aux alentours, que ces souvenirs reviennent à la faveur d’un corridor à peine éclairé, propice à la pensée.

La vieille cabane va disparaître dans le soir puis, lorsque la lune l’aura repérée à nouveau, elle se vêtira de sérénité et de mystère.
Qui s’est endormi là, une nuit ? Etait-ce calme soirée, tambours d’un orage ou froissement d’un vent débridé ?
Des âmes sont passées par ici, une vie, un labeur aux alentours… tout est oublié.

Par-dessus la montagne, la lune poursuit sa route perpétuelle dans le silence absolu. Son croissant lumineux semble nager dans un ciel sans nuage, laissant transparaître sa face masquée par l’ombre de la Terre. Des yeux se sont levés et chacun s’interroge, se perd dans les étoiles lointaines encore éteintes, imagine sa chanson. On attend un nuage facétieux pour jouer avec l’astre de la nuit. Le vent s’est endormi quelque part loin d’ici, il n’y aura pas de cache-cache, la lune s’ennuiera toute seule en attendant demain pour une autre virée.

J’ai passé l’âge des « pourquoi ».
Des millénaires ont filé et pas une once de réponse. Rien.
Pas un millimètre n’a été gagné sur le mystère, l’énigme reste intacte. C’est sans doute la seule égalité entre les hommes de ce monde.
Personne, du plus savant au plus ignorant, n’a éclairé l’ombre d’un savoir défaillant concernant l’existence divine.

C’est probablement ce qui explique cette dilection pour la nuit qui porte conseil, et engendre la divagation idéelle.
Je joue à penser, avec la certitude d’un éternel recommencement. Demain, j’aurai d’autres images, d’autres voies à explorer pour toujours m’endormir devant une source intarissable, jamais certaine, jamais aboutie, en attendant la fin, inlassablement.

Un va et vient incessant entre hier et aujourd’hui, une illusion stérile qui s’éteint soudain en éclairant le perpétuel.
Ce qui nait un jour et puis disparait sans qu’on n’en connaisse la date finale.
La vie, à chacun sa perpétuité…

*Dilection= Amour purement spirituel porté à quelqu’un ; préférence parfois secrète pour quelqu’un ou quelque chose.

*Séléné=déesse grecque de la lune que les romains appelèrent Luna.

Pour le plaisir :

Le petit plus :

Hum ! Je crois qu’elle éprouve dilection, plutôt !
Enfin, petite dilection, pas de quoi sauter au plafond !

Dilection, ce vocable perdu bien plus poétique que kiffer.

6 Comments

  1. Je ne connaissais pas la dilection ! je me demandais s’il s’agissait d’un sport qu’on pratique dans le Pré !!! bon je retourne dans mon carton
    De bien belles photos sur ce billet didactique

    1. Bonjour Gibu,
      J’aime bien exhumer quelques vieux mots que l’on « n’isute » plus.
      Bonne journée 🙂

  2. Quel beau mot, Dilection ! Je ne le connaissais pas.
    Un de plus pour jouer, en plus d’avoir subtilement voyagé en attendant Séléné.
    Et puis, MM les Hiboux, oui, pas de quoi sauter au plafond ! ça fait mal à la tête si on s’y prête !
    Oui, je kiffe, souvent me « dilectionne » mais toujours me délecte ; mots, fond, images sont à chaque fois un petit voyage, un émerveillement. J’en profite ! Ca nourrit mes yeux, mes oreilles, mon coeur : si ce n’est pas un privilège !
    MM. les Hiboux, M Simonu, merci.

    1. Merci Sylvie, c’est sympa, ça fait plaisir et m’encourage à poursuivre les choses de la vie.
      Je vous souhaite une bonne soirée 🙂

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