La R.T.O.M en kit.

Avertissement : Si vous êtes un tantinet morose, laissez porte close, retournez à vos occupations joyeuses. C’est ainsi que de nombreuses personnes percevront ce qui suit alors qu’il n’est qu’appel à festoyer.

En ce qui me concerne, je n’ai pas de sujet tabou, sauf à déranger le lecteur par certaines évocations scabreuses qui ne regardent que l’intime.
Pour tout le reste, aucune retenue, on y va gaiment.

L’origine des vies.

Avez-vous le souvenir du néant qui a précédé votre naissance lorsque vos géniteurs s’ignoraient encore ?
Il aurait suffi d’une seconde d’inattention peut-être d’une poignée, mais pas plus, pour détourner un regard et bouleverser une existence.
Bouleverser, est sans doute vocable mal choisi, interdire serait plus convenable.
Il s’en est fallu de peu pour que j’existe et que l’autre vie potentielle demeure dans le néant..
L’après vie doit y ressembler beaucoup par le silence.

Le principe de la vie c’est de mourir un jour.
Nous naissons tous avec la R.T.O.M en kit pour héritage, au premier cri natal.
Une sorte de livraison Ikéa.
Dès cet instant, commence la construction d’un puzzle pour qu’un jour, sans que nous sachions lequel sera le bon, s’achève une mise en ordre des lettres que nous avions retardée de toutes nos espérances.

Songer à cette épée de Damoclès qui menace à tout instant de choir n’est pas chose facile pour tous. J’en ai fait, avec l’âge, un principe de vie. Le départ toujours en filigrane pour mieux savourer tous les instants qui passent. Ce n’est ni une peur ni une attitude morbide c’est-à-dire une maladie mentale. Non plus un penchant mortifère comme on le croit trop souvent en galvaudant le sens du mot morbide*.
Un esprit lucide qui s’attache à profiter du moment qui passe en songeant que demain n’a jamais d’avenir certain. Ce qui est pris profite car on n’est jamais sûr de profiter ensuite…

S’en aller en toute conscience n’est pas chose agréable mais on n’y peut rien.
Ni résister, ni refuser.
On ne commande rien lorsque le kit commence à prendre forme. On repasse le film à l’envers, on se souvient des moments heureux, on regrette de s’en aller sans savoir si ce sont les autres qui vont nous manquer ou si l’on va manquer aux autres. Un sentiment ambigu qui dramatise plus encore une échéance inéluctable et connue de longue date. On sait qu’on va mourir mais on ne le croit pas. La croyance compte beaucoup plus que le savoir pour s’accrocher à la vie, imaginer une suite, s’inventer un ailleurs pour partir le cœur plus léger.

Le plein de vies.

J’ai profondément aimé la vie. A aucun moment, je n’ai eu de mauvaises pensées pour déclencher l’épée fatale qui veille sur ma tête. Jamais. Je lorgne sur elle parfois, en imaginant la possibilité de faire un pas de côté pour éviter son intention létale. Pure perte de temps, elle ne tombe qu’une seule fois mais je m’en fiche, car ici et maintenant, je m’amuse ou m’abuse. La copine de Durandal, verticale, pointe vive dirigée vers le bas, ne tient qu’à un fil,  ne connait qu’une trajectoire et c’est toujours la bonne. Il me reste le droit futile de tirer la langue souvent en sa direction. Imperturbable, elle ne bronche. Parfois elle frémit, juste pour me mettre en garde. Je détourne le regard et cesse de l’asticoter. Sait-on jamais, si sa patience a des limites. Je m’empresse de faire le plein d’émotions afin de partir chargé comme une mule. La musette pleine de bonnes choses de la vie que je distribue au passage, au plaisir des autres.

Lorsque le kit pourtant facile à assembler et dont on feint de ne point connaître le mode d’emploi alors qu’il n’a jamais connu l’échec, commence à prendre forme, il se débarrasse soudain des points qui séparent chaque lettre.
La MORT arrive un jour. On la voit venir ou elle fait irruption à sa guise, pour inscrire sur une vie le mot FIN.
On se quitte en fin de kit.

J’avais promis de ne plus revenir sur mon épitaphe, c’était promesse vaine. Ce n’est pas définitif, je la peaufine, je la répare pour être certain de la formuler comme je voulais. :

Le sens de la vie ?
Je suis venu, j’ai vu et je n’ai rien compris.

J’aurais bien voulu faire encore un tour,
incognito, non pour comprendre mais pour le plaisir.
Hélas les tours de manège sont interdits.
On ne joue qu’une seule pièce.

En attendant, la R.T.O.M en kit me fait kiffer la vie.
Je feins toujours de ne point comprendre le mode d’emploi.

C’est là que se perdent les vies.

*Morbide=maladif et non mortifère comme on le croit le plus souvent. Il a un comportement morbide=un comportement de malade sans rapport avec la mort imminente.

C’était une déclinaison du vase bleu photographié, un jour, sur une fosse dans le cimetière du village.

4 Comments

  1. La mort en soi n’est pas triste (surtout accompagnée d’un tel manège de couleurs). Je plains les gens qui y pensent en permanence, traumatisés par les épidémies ou les dangers……..
    Ce qui me dérange c’est la souffrance sous toutes ses formes…….. mais cette pensée morbide n’est pas mortifère, tout au plus macabre !
    Il y a 71 ans que le compte à rebours s’est enclenché (ou déclenché, selon les façons de voir)
    Bonne soirée toujours sous la pluie 😀 une fois de plus la véranda prend l’eau !

  2. Bonjour Simonu,
    Vouliez-vous concurrencer Sagan, sans en avoir l’air ? 😉
    Je conserve le carpe diem positif et vous remercie pour ces photos colorées qui m’ont rappelé les essais de flou glaussien que j’avais réalisés, il y a quelque temps.
    Les 2 seuls partages réalisés ont amené des réactions contradictoires : soit l’on aime, soit l’on déteste a priori…
    Belle fin de journée et à bientôt.
    Cat

    1. Bonjour Cat.
      Concurrencer Sagan ?
      N’y pensez pas, mes connaissances littéraires sont limitées à quelques miettes. 😉
      Ce genre d’images ne plait pas toujours en effet mais on s’amuse et tant pis si les autres ne veulent pas entrer dans le jeu. En ce qui me concerne, c’est souvent source d’inspiration d’un récit.
      Ici, il pleut sans discontinuer depuis cette nuit et la journée est confinée, je fait fête à l’obscurité, voilà un autre amusement qui ne plaira pas à tout le monde.
      J’explore ombre et lumière, chaud et froid…
      Bonne suite à vous Cat, merci pour votre mot 🙂

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