C’est une histoire d’un autre temps qui va sembler complètement irréelle de nos jours.
Et pourtant c’est un vécu, cette histoire a vraiment existé.
C’était au temps où je faisais partie du jury aux examens des jeunes instituteurs.
Le candidat du jour semblait plus âgé qu’il n’était ou alors avait fait long séjour universitaire sans avoir le derrière aplati par les années d’études, car fortement diplômé.
Il avait été bombardé dans une classe de CP, ce que l’on n’aurait jamais dû faire avec un débutant. Le CP, c’est sacré, c’est l’année des balbutiements, celle de tous les dangers. On ne met pas aux commandes de cette classe quelqu’un qui débute et donc fait ses premiers pas aussi.
A cette période, les enseignants recrutés parmi les universitaires qui visaient « plus bas » que leurs ambitions premières – il faut bien le reconnaitre – étaient affectés sur des postes vacants, dans des écoles qui manquaient d’instituteurs. C’était le chef d’établissement qui décidait du niveau affecté et lorsque personne ne voulait d’un CP, le débutant se trouvait à balbutier avec des enfants fraîchement arrivés de maternelle.
On appelait cela, la formation sur le tas, renforcée par quelques journées dites pédagogiques, distillées le jour de repos des enseignants. Le plus grand nombre sommeillait au lieu de s’enrichir, nez et pensées au vent, il faut bien le reconnaître aussi.
Pas grand monde n’aimait ces journées de pédalages dans la choucroute, très peu prisées. Je pense que personne n’était dupe, ni les formateurs, conseillers pédagogiques de tout poil, ni les enseignés. Chacun faisait semblant de s’émerveiller de cette formation de fortune pour donner bonne conscience à l’administration.
Oh ! Bien évidemment, on grappillait quelques nouveautés, quelques menus moyens d’améliorer son quotidien mais l’essentiel de l’apprentissage se faisait à l’usage, dans le secret de sa classe.
Nous avions du mérité, assurément.
Après quelques années de pratique sauvage, avec laquelle chacun devait se dépatouiller, il fallait bien passer par CAP.
C’était la question/sanction finale, être ou ne pas être capable d’enseigner ?
Si vous n’étiez pas un imbécile avéré, vous aviez toutes vos chances de franchir ce dernier cap.
C’était donc jour d’examen.
L’universitaire de service, qui avait été reçu à l’écrit, passait son oral, c’est à dire l’épreuve de la pratique dans une classe. C’est surtout à cet exercice « in vivo » que l’on apprécie la capacité ou non de savoir enseigner. Ce n’était jamais rédhibitoire la première fois. Heureusement chacun est capable de s’amender, sauf exception très exceptionnelle si j’ose dire, ce qui sembla être le cas ce jour-ci.
Le jeune homme qui avait enseigné quelques années dans le secret de sa classe, se présentait devant un jury qui devait décider de son aptitude à guider un groupe de jeunes enfants.
Il avait l’air sûr de lui, persuadé de la réussite à l’examen.
Il se déplaçait entre les tables pour dispenser son savoir comme l’aurait fait un prof de philo avec ses élèves de terminale. Il Parlait tout seul, sans voir les enfants qui le regardaient comme une bête curieuse errant parmi eux. On devinait à leur regard, qu’ils étaient étonnés, interloqués par cet enseignement à la cantonade. Un vocabulaire inaccessible pour les enfants, des expressions destinées à un amphithéâtre, l’homme était dans sa bulle, complètement coupé du monde croyant impressionner le jury. Les enfants étaient largués depuis un bon moment.
En déambulant, il avait le mérite de ne pas rester assis à son bureau, le candidat sortit un paquet de gitanes, poussa une cigarette qu’il pinça de ses lèvres et l’alluma. Levant le regard au plafond et libérant quelques volutes de fumées, il se sentit pousser des ailes pour tenter quelques envolées destinées aux adultes qui l’écoutaient… Les enfants n’existaient plus pour lui. Il s’adressait à nous, oubliant qu’il devait dispenser un cours à des gamins de six ans.
Il n’a rien vu venir. Toujours très sûr de lui, il s’est assis face à nous pour l’entretien final dans le bureau de la directrice.
Il sortit à nouveau son paquet de cigarettes, en fit dépasser une, bien visible, et tendit le paquet à l’inspectrice qui présidait le jury.
Elle lui fit signe qu’elle ne fumait pas, d’un geste de la main… La mine renfrognée.
Qu’à cela ne tienne, il alluma sa clope, enfuma l’atmosphère sans se gêner…
Vous connaissez la suite.
J’ignore quel fut son comportement l’année suivante devant un autre jury, sans doute avait-il retenu la leçon pour que l’une de ses dernières chances ne parte en fumée.
Cette scène bien réelle est inimaginable de nos jours par ceux qui n’ont pas connu cette époque enfumée.
La première photo est bluffante!
C’est vrai que de nos jours il ne viendrait plus à l’idée de personne de fumer pendant un examen, et encore moins dans une salle avec des enfants!!!
Mon père fumait des gitanes maïs qui empestaient et jaunissaient les murs de la maison, malheureusement cela ne m’a pas dégoûté de la cigarette. Il ne faut jamais commencer.
Enfants, nous avons commencé avec la clématite vitalba ou clématite des haies.
Elle produit des lianes de calibres différents selon l’âge. C’est avec cette liane sèche que nous avons commencé à fumer, fine, cigarette, plus grosse, cigare. Une fumée acide très désagréable.
J’ai arrêté de fumer, je parle des vraies cigarettes :-), il y a plus de 30 ans, du jour au lendemain.
Je ne fumais pas à la maison après la naissance des enfants.
J’ai écrit quelques textes là dessus, je me souviens de l’un d’eux « A pucena ».
Bonne fin de soirée Al.
Amusant, hier, avec mon fils, on évoquait le souvenir de profs qui fumaient…
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