La pomme de terre galactique.

La France est confinée et le risque de s’ennuyer à domicile est grand. Alors, j’ai eu pitié de vous, je vais vous raconter une anecdote pour passer quelques minutes en votre compagnie. Oh ! Je sais, quelques minutes c’est pas grand-chose mais si tout le monde vous berçait un peu aussi, cela ferait plein de grosses minutes.

Je venais de rentrer définitivement dans mon petit paradis. L’endroit était encore recouvert de maquis, toujours à l’état sauvage. J’avais commencé à piocher un coin de mon terrain très pentu. C’était l’été et en pleine chaleur, s’attaquer aux racines de bruyère n’est pas une mince affaire. C’est une rude tâche qui vous épuise rapidement. Genêts, arbousiers donnaient du fil à retordre aussi, le plus facile à arracher était le ciste, il cède facilement.

J’avais dégagé un endroit d’une vingtaine de mètres carrés, juste pour commencer à jouer au jardinier. Je venais de réaliser ma première planche pour cultiver mes premiers légumes. J’étais fier de moi, d’être parvenu à apprivoiser un petit coin très sauvage.
Hélas, je n’avais pas d’eau, il me restait à inventer une manière de stoker le précieux liquide tombé du ciel.
Mes premières plantations allaient débuter au mois de mars de l’année suivante.

La terre me semblait belle et bonne, essentiellement composée d’humus. J’avais éparpillé toutes les décompositions végétales récoltées dans les alentours immédiats, sous les bruyères comme sous les chênes. On aurait dit un tapis épais destiné à amortir les chutes intempestives.
De la bonne terre souple, légère, bref un concentré de vitamines pour mes futures plantations.

J’avais choisi de cultiver mes premières pommes de terre.
C’était parti, tout semblait bien se passer. Les tubercules avaient germé et de belles plantes vertes étaient sorties de terre, vêtues d’un vert soutenu de très belle émeraude.
Mes plants prospéraient, j’imaginais ma première récolte avec un plaisir déjà gourmand.

Lorsque les plantes atteignirent une bonne taille, un phénomène curieux se produisit. Le feuillage commença à perdre ses feuilles qui semblaient fondre sur pied. Après quelques jours, il ne restait plus que des tiges dressées vers le ciel comme si un nuage mortifère était passé juste au-dessus de ma modeste plantation. Un phénomène étrange que je ne parvenais pas à identifier. Je ne voyais ni doryphore ni autres bestioles ravageuses. L’énigme totale.
C’est alors que j’appelai à la rescousse un ami qui travaillait dans l’agriculture de longue date.
Il doit savoir lui. Peut-être connait-il le mal et m’éclairera ?

Mon ami resta perplexe. L’air très étonné, il contemplait cet étrange spectacle qu’il n’avait jamais vu, non plus. Il se tenait le menton en explorant mes plants d’un regard panoramique, secouant la tête de temps en temps. Incrédule devant la scène presque lunaire.

Il s’agenouilla, observa une bonne poignée de terre, qu’il soupesa puis laissa filer entre ses doigts. « Ta terre est belle ! » Dit-il.
Il trifouilla une nouvelle fois dans le substrat puis réitéra : « Belle, belle, la terre ! »

Un long silence de doute. Nous nous regardions sans rien dire, un regard interrogateur mais sans réponse. « Je ne sais pas ! Je vais demander à l’ingénieur s’il a des pistes. »

Pour que l’ingénieur propose des pistes encore faut-il qu’il soit sur place pour explorer en toute objectivité. J’ai revu mon ami quelques jours plus tard, l’ingénieur n’en savait rien. Normal.

J’ai décidé de retravailler ma platebande en prévision de plantations estivales. Sans état d’âme. On passe à autre chose.
Je n’ai trouvé, sous terre que quelques tubercules de taille ridicule. Des billes et très peu de calots.

Le temps a passé. Annie avait acheté trois pommes de terre monstrueuses. Je n’en avais jamais vu de cette taille, très grosses et surtout très grandes, dépassant les vingt centimètres. « Pour les frites ! me dit-elle. Deux nous suffirent, la troisième, je la mis au frais à la cave.

Le lendemain, notre ami, qui venait nous voir de temps en temps, débarqua.
En cours de conversation, j’interrompis le fil de la discussion.

  • Ah, tiens, je vais te montrer quelque chose. (Et je filai à la cave pour prendre la pomme de terre que je gardais cachée un bon moment) Dis-moi, tu te souviens de ma plantation ? J’ai tout arraché et en fouillant la terre j’ai trouvé ça ! (Je lui mis l’énorme tubercule sous le nez)

Instantanément, complètement éberlué, il porta ses mains aux cheveux et s’exclama :

  •  Je te l’avais dit, je te l’avais dit ! Elle est belle ta terre, elle est belle ! Bou… hou… Montre ! Tu te rends compte ?
  • Tu sais, j’ai fouillé partout et je n’ai trouvé que celle-là, rien d’autre.
  • Ça ne fait rien, elle est belle, elle est belle… ta terre !

Cela fait quelques années, une bonne vingtaine. Je n’ai jamais démenti, mon ami est resté sur cette idée de pomme de terre magique… qui sans doute, avait été dopée aux engrais dans un grand champ qui doit bien rire de ma minuscule parcelle et de mon humus fabriqué sur place.
Un terreau qui ne suffit pas à produire des pommes de terre galactiques, bodybuildées à en péter des frites…

Elles étaient plus grandes que celles-ci. Celles que vous voyez à l’image, ont été récoltées une fin de décembre. En pratiquant un labour de début d’automne, j’avais trouvé des tubercules germés. Je les ai replantés et voilà le résultat. C’était la variété spunta.
J’avais recouvert une dizaine de plants trouvés sous terre voici la récolte de ce décembre.

La photo dans le titre montre la plantation de l’année dernière. Un feuillage sain, sans aucun traitement.

4 Comments

  1. Merci Simon.
    N’oublie pas de remplir ton document d’autorisation de sortie pour aller dans ton jardin, on ne sait jamais, la gendarmerie n’est pas très loin.
    A prestu

  2. Bonjour JP,
    Je te remercie pour le conseil, les poules m’avaient prévenu aussi.
    Il n’y a plus de brigade au village, mais je n’ai point besoin de maréchaussée pour suivre un protocole de bon sens.
    J’imagine que tout va bien pour vous puisque tu souris.
    A bientôt cher JP.

    1. Non, pas d’explication rationnelle et avérée, j’ai supposé qu’il s’est agi d’une maladie fongique ou des ravageurs de feuilles… aucune certitude.

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