Abracadabrance.

Je ne m’y attendais pas ; en lisant le texte « Le rond de Paris », une amie belge, Daniele, me fit un clin d’œil.

  • Avez-vous déjà essayé de donner du poulet à vos poules ? 
  • Peut-être, je ne me souviens pas…

Ce matin, je râclais un reste de volaille en pensant à la question, devenue lancinante, de Daniele. Je vais essayer le poulet pour connaître l’avis de mes poules. C’est ce que notre amie belge voulait savoir : Comment vont-elles réagir ?

Quand je suis arrivé à la basse-cour, j’ai joué celui qui ne se doutait de rien, parfaitement neutre, presque indifférent. Vous imaginez que le premier coup de bec fut pour le morceau de blanc. Le suprême, dit-on en cuisine !

Ça n’a pas tardé, à peine le premier morceau avalé et le suivant encore dans le bec, la blanche dite Sussex, marmonna :

  • Què que chè comme ianve ? Chè de la ianve au moins ? Insista-t-elle, gênée par le bout de blanc resté sur le coin du bec.

J’étais un peu embêté, je n’allais tout de même pas lui dire que c’était de la famille !

  • Goûte ! Goûte ! Ça te plait ?
  • C’est sacrément bon, ton rond de Paris peut se rhabiller ! Mais c’est quoi comme viande ? (Elle venait d’avaler le morceau, sa diction était meilleure.)
  • De la viande de grenouille.
  • De grenouille ? A cette période ? On dirait du poulet !
  • Du poulet ? T’en as déjà mangé ?
  • Hé si ! Tu avais déjà servi des ailes, j’ai reconnu le goût.
  • Et c’est quoi du poulet ?
  • De la poule hè !
  • Et alors ?
  • Alors c’est bon, tu as dû le faire au tourne broche, je suppose ! (Cette poule blanche est parfaite, elle tient bon langage comme si elle était allée à l’école, alors qu’elle n’a connu que l’ombre du figuier.)
  • Au tourne broche ? Comment tu sais ça ?
  • Allez, avoue et arrête tes hésitations !
  • Bon, bon, d’accord, c’est bien du poulet cuit au tourne broche. Ça te dérange ?
  • Pas le moins du monde, tu peux en porter quand tu veux mais pas tous les jours sinon l’une d’entre nous va passer à la casserole.

Les autres s’en fichaient. Pendant qu’on discutait, elles ont tout avalé et notre Sussex n’avait même plus un os à sucer. Voilà où mène la curiosité de vouloir tout savoir…

Moralité : Si t’es pas cuisinier mange et tais-toi, le gourmet ne perd jamais son temps à savoir ce qu’il déguste. Il ferme les yeux et apprécie.
Il sera temps, plus tard, d’en savoir plus, c’est ainsi qu’on ne perd miette.

Deuxième moralité : Savoir perdre son temps sans le gaspiller c’est comme un feu sans fumette, il ne brûle pas, il chauffe l’esprit et enflamme l’imaginaire… ça c’est pour moi et pour ceux qui m’approuvent.

Troisième moralité : Ne jamais se demander si c’est du lard ou du cochon lorsque c’est bonne cochonnaille. (Ne vous triturez pas l’esprit pour savoir si j’ai perdu la tête ou si je fais grosse plaisanterie…)

Quatrième moralité : Faut pas exagérer, tout de même… Trois c’est déjà pas mal.

Voilà Daniele, aucune protestation. Les poules pratiquent le cannibalisme à l’insu de leur plein gré.

Il faut manger pour vivre et bien manger pour vivre mieux ou vieux . Et n’allez pas penser qu’il s’agit d’une cinquième moralité.

Complètement bargeot celui-là ou barjot, c’est comme vous voulez…

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