C’est notre histoire.

Nous sortions de table, c’était le moment d’aller aux poules.

Un temps magnifique, le ciel d’un bleu pur, pas un souffle de vent, les alentours étaient calmes… Nous nous sommes arrêtés en même temps, sans rien dire. Ensemble, nous regardions le fond de la vallée.

Je rêvais, elle rêvait et cela dura quelques secondes. A quoi pensait-elle ?

  • Missiau (grand-père), ce serait dommage de partir d’ici, de vendre la maison !

Elle avait suivi notre conversation d’adultes lorsque nous étions à table. Nous évoquions nos vieux jours, la difficulté de vivre dans un endroit isolé et cela avait voyagé dans son esprit. Elle m’a regardé, froncé les ailes du nez, son regard interrogateur attendait une réponse.

J’ai levé la tête vers cet endroit que je connais par cœur, quelques secondes, puis j’ai baissé les yeux vers mes petits coins de jardin que j’ai créés progressivement, au fil des années. Certaines choses penchent, déplacées par le vent, la vigne dort, les capuchons de moine font silence, la tête basse aussi. Ils méditent. On dirait que notre petit monde est triste. Peut-être a-t-il entendu les mots d’abandon, même les poules ne gloussent plus, figées sur une seule patte.

  • Oui, tu as raison, c’est notre histoire.
  • Voilà, c’est ça, c’est notre histoire, personne ne peut nous remplacer, missiau…

Anna Livia a sautillé sur place puis est partie à cloche pied :

  • Je vais voir le pondoir… Missiau, tu as vu ? Il y a quatre œufs !

Quelques mots seulement, une forte émotion provoquée par la réflexion d’une petite fille : Oui, ici c’est mon histoire, c’est notre histoire… On ne vole pas les histoires des autres avec de l’argent. Si je devais partir d’ici contraint et forcé, ma Zinella restera le paradis de tous les miens…

Les capuchons de moine méditent…
La poule s’interroge.

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