Plutôt facétieux que face aux cieux.

L’image d’ouverture, intitulée « la tendresse », a été obtenue à partir d’un cliché de feuilles de poirier, réalisé en automne. Des feuilles encore sur l’arbre, les couleurs qui ressemblent à des coups de feutre sont bien naturelles, je n’ai touché à rien.

Ma fâcheuse habitude de me situer bien souvent au deuxième degré, c’est-à-dire au deuxième étage, me vaut quelques incompréhensions tenaces. Ceux qui me visitent en croyant me rencontrer au rez-de-chaussée, ressortent sans me trouver vraiment. Parfois, on m’assure du contraire de mes dires, on me rassure sur mes propos, on me remet sur les bons rails alors que je viens de m’amuser sur des mots promenés. Oui, je me promène avec les mots et les idées, je vadrouille en leur compagnie pour occuper l’espace de mes envies facétieuses. Souvent ce sont des boutades, j’ai l’impression de gambader dans l’herbe fraîche du printemps. Je me sens primesautier un peu grisé par l’air pur d’un vagabondage idéel. Je voyage avec le monde des idées sans me soucier de toujours coller aux choses dites sérieuses. C’est ce que l’on appelle un facétieux.

Dans un monde où les dirigeants ne dirigent plus rien, où les riches deviennent gros riches pendant que les autres font du surplace ou régressent, où l’on a l’impression de voter perpétuellement pour la peste contre le choléra, il ne sert à rien de disserter sérieusement. Je me suis réfugié dans la dérision quand d’autres plongent dans la métaphysique pour y trouver salut.

S’il m’arrive aussi d’évoquer l’idée de Dieu alors que je suis agnostique, c’est parfaitement normal. Un agnostique fréquente plus souvent cette énigme divine que le commun des croyants. Il doute et le doute n’arrange rien, il est en perpétuel questionnement. On croit que le doute rassure alors qu’il inquiète le plus souvent. Le croyant, pour qui l’idée divine est acquise, peut dormir tranquille sans y songer à chaque instant. L’athée s’en fiche royalement, il a fermé la porte qui mène au paradis. Seul l’agnostique s’interroge perpétuellement sans jamais franchir un pas vers le oui ou le non. Qui peut se targuer de certitude dans un domaine qui n’a rien d’une science exacte ? On nage dans l’émotion pure. 

C’est en retrouvant une ancienne photo que m’est venue cette idée d’écriture.

J’avais les moustaches pointées vers le ciel et cela a duré une grande partie de ma vie avant que j’aille chez une coiffeuse. Elle devait m’arranger les moustaches, d’un coup de tondeuse, elle a fait pelouse rase. Imaginez que cela arrivât à Dali qui les avait assurées au prix fort ! Comment aurait-il encore frémi au chocolat Lanviiin ! Une manne sonnante et trébuchante se serait effondrée d’un seul coup. Voyez, lâchez-moi la bride un seul instant et le naturel revient au triple galop. Mon penchant badin surgit sans même que je m’en rendre compte.

En voyant mon image, j’ai tout de suite pensé à un sourcier avec sa fourche de coudrier, qui cherche de l’eau. Mes moustaches chercheraient-elles le ciel obstinément, sans le savoir ? Je ne pense pas, elles étaient censées me donner un air souriant en permanence, plus souvent un air coquin, destiné à accentuer mon versant joyeux, non frivole et non frimeur, je vous l’assure.

Sans mes moustaches daliennes aujourd’hui, je reste un grand facétieux quelques fois face aux cieux.

Je préfère profiter pleinement de mon voyage sur terre.
Si Dieu existe c’est bien son affaire !

En pensant ainsi, j’ai l’impression d’être plus respectueux que quiconque à l’endroit d’une existence divine. L’idée me dépasse, alors je reste à ma place. Un tout puissant existant, qui contient tout, hors du temps, ne peut en aucune manière être atteint, ni touché, par nos bêtises d’ici-bas. Il connait déjà nos frasques à venir, nous perdons notre temps en conjectures inappropriées.
Souhaite-t-il qu’on l’adore, qu’on le prie, qu’on l’adule ? Quel dieu fragile serait-il, affublé de tous ces travers humains ?

J’ai désormais les moustaches basses, à la gauloise, elles indiquent bien que je vise la terre, le ras des pâquerettes. C’est mon paradis préféré.

Je le concède, je suis parfois difficile à suivre avec toutes mes cabrioles. Je n’invite personne à m’écouter mais savoir qu’on me lit me suffit amplement, m’encourage à raconter mon voyage loin des cieux.

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