Dans une école de Versailles, une maîtresse était fort intriguée qu’un bon élève de sa classe de CE1 confonde systématiquement le G et le C.
D’ordinaire, c’est une confusion classique comme F/V, B/P, T/D. rien de dramatique dans cette affaire. Généralement, ce genre de confusion dite phonétique se gère aisément, parfois prend un peu de temps, c’est variable selon l’état de l’enfant.
Avec une telle confusion isolée, il est abusif de parler de dyslexie. Un terme largement galvaudé, accommodé à toutes les sauces.
La vraie dyslexie est une résistance tenace et durable à l’apprentissage de la lecture, dans des conditions bien précises. L’enfant ne doit présenter aucun trouble de la vue, de l’audition, d’organisation du temps et/ou de l’espace et surtout suivre une scolarité normale, sans longues absences en classe. Une fois toutes ces conditions écartées, on peut affirmer que l’enfant présente un profil dyslexique si l’apprentissage s’éternise…
Mon cas aurait pu illustrer parfaitement la chose puisque je ne fus lecteur qu’aux alentours de quatorze ans. Retardé par une chute de l’audition, je n’entrais pas dans le cadre dyslexique. J’étais ce que j’appelle un lecteur tardif accompagné de toutes les séquelles qui en découlent. Et voyez comme je m’en porte à merveille avec ma pratique d’autodidacte. Un parcours qui m’a indiqué le chemin de l’observation, de l’écoute et de la joie. rien n’est jamais perdu aux jeunes âges.
Trop souvent, on parle de dyslexie devant des confusions de sons, des inversions de lettres ou des interversions de syllabes alors que l’enfant est en mesure de lire de manière acceptable ou est, pour le moins, en bonne voie. Ce n’est qu’une affaire de temps.
Ce sont des difficultés particulières qui peuvent être localisées pour un traitement spécifique et rapide le plus souvent. La dyslexie est bien plus complexe.
Devant l’inquiétude de l’enseignante, j’ai demandé à voir cet enfant pour essayer de comprendre son énigme en étudiant cette curiosité. A l’observation, sans appuyer sur « son problème », j’ai remarqué que le G était toujours absent. Il ne s’agissait donc pas d’une confusion ordinaire puisque dans ce cas, on écrit l’un à la place de l’autre.
Intrigué, j’ai demandé à voir le cahier journalier de l’année de CP. En inspectant ces éléments, je me suis rendu compte que l’enfant avait été absent sur une dizaine de jours qui englobait l’apprentissage de la lettre G. Autrement dit, il en ignorait son existence phonétique. Il voyait bien cette lettre dans les mots mais la prononçait comme un C, les sons sont proches. L’un, le G, fait vibrer les cordes vocales, on le dit sonore et l’autre non, on le dit sourd. On n’en parle jamais mais c’est ainsi qu’on les différencie en cas de confusion avérée. (C’est plus long à écrire qu’à faire comprendre oralement à un enfant en objectivant la chose)
Dans ses écrits, le G n’apparaissait jamais, c’était un indice probant.
Il me fut facile de mettre à jour l’existence de cette autre lettre en la rétablissant dans sa réalité, différente du C. Le plus difficile reste la tentation d’en faire trop pour aller plus loin dans les explications. Avec la prise de conscience de la nouvelle lettre, il suffisait de laisser faire le temps puisque l’enfant suivait une scolarité normale, comme une cicatrisation a juste besoin d’un premier soin.
On aurait pu broder à l’infini sur cette curiosité, il n’y avait vraiment pas de quoi fouetter un carnement, pardon, un garnement.
Il y a bien pire, et la méconnaissance des cas engendre des montagnes alors qu’il s’agit de petits vallons.
Voilà comment mettre fin à petite chose avant qu’elle ne fasse grand bruit.
C’est dans ces petites histoires anodines que l’on apprend beaucoup de ses étonnements, faciles à éclairer si l’on prend distance avec les choses et qu’on analyse froidement, sans imaginer le monstre du Loch Ness à chaque fois.