Pousser la sansonnette !

Le spectacle était surprenant. Impossible de l’immortaliser si vous ne vous promenez avec votre appareil en poche.

Le crépuscule s’installait, ça chantait dans le ciel. On aurait dit des moucherons attirés par la lumière des réverbères. Des vagues se modelaient au-dessus de ma tête, valsaient, criaient à l’unisson en un seul violon mélodieux. Ça zigzaguait de manière imprévisible. La vague allait-elle se déformer en plongeant à gauche, en piquant à droite ou de manière ascensionnelle ? Qu’importe. Il suffisait de regarder, de contempler le manège. Lever les yeux au ciel et suivre le mouvement à se tordre le cou.

Y avait-il un sens à cette folle farandole ? Allez savoir ce qui traverse la jugeote d’un sansonnet embarqué dans un instinct grégaire ! Une bande d’étourneaux, presque une myriade, ne faisait qu’un seul être dirigé à la baguette par un chef impossible à deviner. Peut-être des chefs se succédaient-ils de manière instinctive comme une sorte de passage du pouvoir de l’un à l’autre, pour mener l’orchestre. Les individus ne savaient plus qui ils étaient. Ils se mouvaient en bloc comme une foule déferlante scande des slogans. Une masse artistique dessinait des figures et sifflait des notes mélodieuses, semblant des vocalises longues, très longues à s’étouffer le souffle. Un mouvement en cadence calquait son rythme sur la mélodie parfois stridente, parfois étranglée en mimant une chute massive. Puis remontait vers le ciel avec la même grâce, une souplesse de flanelle flottait dans les cieux.

Je suis, longtemps, resté adossé à un lampadaire qui se trouvait à quelques pas seulement, sans doute un cadeau de la providence. Je pouvais suivre un spectacle d’opéra dans un décor de réverbères qui diffusaient une lumière douce orangée.

Soudain, sans qu’on ne se doute de rien, le nuage s’abattit sur le sommet d’un grand pin parasol isolé, planté dans un square juste en face de moi. Un instant, quelques secondes, ce ne furent que criaillements intempestifs sans aucune harmonie comme si la belle unité venait de cesser, brisant d’un seul coup toute la mélodie. Les cris se soustrayaient un à un puis par huitaines, par dizaines, seuls quelques retardataires s’exprimèrent encore avant la déclaration du silence total.
Le rideau s’était abattu comme un sac en étouffant sons et lumières.

La nuit venait de tomber.

Autres figures.

Equilibrer les plateaux.
Bouffarde. Petites bulles partent en fumée.

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