Le pêcheur et le chat.

C’était une fin de jour tranquille. Je m’étais posté sur un rocher pour observer les effets du crépuscule sur la mer.

Un homme, sans doute un habitué si j’en juge par ses gestes lents et calculés, juste muni d’un bidon blanc et d’une canne, vint se poser à une cinquantaine de mètres de moi. Un long moment, il regarda la mer, fixant l’horizon. Il semblait plongé dans une sorte de méditation. Le calme et la sérénité avaient enveloppé cet endroit où nous étions seuls au monde.

La luminosité était fluctuante. Le ciel encore lumineux contrastait avec la mer devenue sombre. Les images changeaient avec le regard porté haut ou la tête baissée vers ce bout de Méditerranée.

L’homme arma sa canne en quelques secondes et se mit à pêcher avec une gestuelle nonchalante. Aucun mouvement brusque ne venait déranger sa délicatesse. Sa silhouette dégageait une douceur infinie, toute la bonté du monde se résumait dans son image floutée par la luminosité décadente. Le crépuscule descendait du ciel, progressivement, s’arrêtait un instant puis reprenait son invasion pacifique. Un tableau chargé de sérénité prenait corps, je tenais mon sujet d’une fin de jour, une scène qui s’offrait à moi de manière totalement fortuite, inattendue. Je sentais l’émotion naître de mes entrailles, un plaisir exacerbé devant un spectacle secret que la providence animait sous mes yeux.

A de nombreuses reprises, l’homme propulsa son fil dans le lointain, toujours d’un geste majestueux, sans saccades, aussi auguste que celui d’un vieux semeur. Progressivement, la nuit se fit complice en enrobant le personnage d’une lumière sombre, le rendant anonyme, accentuant ses contours d’une douceur infinie.

Semblant attendre le moment de bascule entre le jour et l’obscurité, un chat noir comme la nuit, sans doute un chat haret plus que sauvage, attiré par l’odeur du poisson, s’aventura à pas ralentis et mesurés vers un sachet en plastique. Il hésita quelques fois mais à aucun moment, il ne parut effarouché, un peu méfiant seulement. J’imaginais que ces deux-là se connaissaient déjà, que l’homme l’attendait puisqu’ils se donnaient rendez-vous sur ces rochers dès la fuite du jour. Ils étaient seuls dans la nuit naissante, je n’étais pas un intrus, ils ne m’ont pas jeté le moindre regard. J’étais immobile, absorbé par le tableau, trop éloigné pour qu’ils entendent le clic qui emprisonnait leurs attitudes dans le boitier.

Je n’avais aucune envie de troubler leur complicité coutumière, j’avais calqué mes gestes sur les leurs car mon appareil devenu œil indiscret aurait sans doute troublé leurs ondes.

Je me suis éclipsé discrètement en m’éloignant davantage, à pas lents, sans me retourner, j’espérais seulement que ma présence se résumât en une totale absence…

Ne point troubler leurs ondes.

La nuit m’avait enveloppé, je ne fus qu’une ombre invisible, le témoin d’une complicité secrète, une rencontre discrète entre un homme et un chat… Je les ai vus, j’ignore ce qu’ils se sont dit, c’est leur intimité, ces sentiments n’appartiennent qu’à eux.

L’attente.
Complicité.
Il pensait avoir attrapé un gros poisson.

4 Comments

    1. Ah ! Le vilain !
      Il vous fait des misères aussi !
      Aucun administrateur ne s’aventure jusqu’ici pour nous conseiller.
      En tout état de cause, je sais que vous avez aimé, le cœur jaune en témoigne.
      Merci Chat, bonne suite. 🙂

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