Ce soir Yvon était aux anges et moi au paradis.
Nous avons glandé toute l’après-midi au jardin à tâter quelques figues pour tester leur maturité et à croquer quelques grains de raisins qui tardent à murir… Et puis, j’ai raconté des vieilles histoires qui sont éternellement neuves. Il suffit de savoir les raconter, les remettre au goût du jour, pour ça vous pouvez me faire confiance, un épicurien sait faire et sait dire. Il sait dire la vie, c’est son métier.
Les poules gloussaient. Elles étaient jalouses car je ne leur ai pas accordé le regard habituel, pas la moindre attention.
- Hé voilà, monsieur s’en fiche ! Cotecodèquait la Sussex (la blanche).
Madame ne couve plus et voudrait qu’on la courtise comme une reine. Les Harco s’en fichaient aussi. La rousse boudait et la grise visait une marisque (figue) trop mûre qui ne tenait qu’à un fil. Les oiseaux avaient pioché largement, elle n’allait pas tarder à choir. Dès le prochain coup de bec c’était pour la géline. Patiente, la pauvre perlée grise… Bref, ce n’était pas l’unanimité à la basse-cour, heureusement qu’il n’y a pas de municipales pour gérer le poulailler, on n’en sortirait pas…
La nuit allait tomber, il restait des pâtes aux gambas de midi. Yvon adore, c’était pour lui.
Et moi ?
Eh bien moi, je me suis préparé une tarte aux tomates. Vous connaissez déjà.
J’ai juste apporté une variante. Voici sa composition.
Une pâte feuilletée tapissée de moutarde au miel (c’est tout ce que j’avais sous la main), des tomates du jardin, pelées et tranchées fines, de la nepeta, et beaucoup de Comté râpé. Vingt à vingt-cinq minutes à four chaud maintenu autour de 220 °. Ça va vite.
En entendant mes « Hum ! » prolongés, Yvon a craqué, il a lorgné sur le dernier quart, a foncé dessus et l’a englouti avec des « Hum ! Hum ! » de concurrence encore plus marqués, les yeux fermés.

C’était divin, je vous assure ! Yvon était aux anges, Aratasca c’est l’entrée du paradis, que dis-je, c’est le paradis !
Après ça allez dire que la vie n’est pas belle !
Un jour elle nous oubliera, nous lâchera… Pour l’heure c’est carpe diem !
Tchin ! Tchin ! E saluta à tutti !