Cultiver son jardin est sans doute une très bonne chose. Le sens voltairien de l’expression me convient parfaitement. Laissons de côté les préoccupations métaphysiques que l’on ne peut atteindre et profitons des choses accessibles, du monde qui nous entoure.
Sens propre et sens figuré se rejoignent parfaitement dans un agnosticisme paisible qui détourne l’esprit de l’inaccessible pour le tourner vers l’abordable d’ici bas.
Dès que le temps se montre clément, je suis dans mon jardin. Il y a toujours quelque chose à faire ou à découvrir. Une vie secrète se joue en permanence sans qu’on ne se doute de rien. Dans mon petit abri de jardin, le gros gecko s’est endormi quelque part bien camouflé, le désordre ne manque pas pour des cachettes. Je ne l’ai plus revu depuis qu’il fait plus froid. D’ordinaire, il détalait tout en zigzags dès que j’ouvrais la porte. Ce fouillis hétéroclite invraisemblable justifierait plus le nom de débarras que d’abri de jardin. Les bestioles qui gîtent là sont dans leur élément, j’ai même dû m’attaquer à un nid de frelons à la fin de l’été. J’avoue que dans cette entreprise j’ai été très imprudent car détruire un tel nid en manches courtes sans aucune protection, y compris du visage, relève d’une inconscience inouïe. Mon paquet de raphia bleu, qui me servait à lier les pieds de tomates aux tuteurs, a disparu. La fuite soudaine d’un gros rat sur les lambourdes de la cabane m’a alerté. Tous les brins de raphia ont été sortis un à un, ou plusieurs à la fois, de leur fourreau, entassés dans un coin à hauteur de plafond pour faire un nid. Sans doute l’habitant du coin est une femelle prête à fonder famille. Une bête assez imposante, je vous assure qu’entre la bout de sa queue et celui de son nez pointu, il y a place pour plus de trente centimètres… Je n’ai pas réussi à photographier ce Speedy Gonzales qui file comme une flèche.
Hier, je retournais la terre. Un exercice qui me plait. En septembre dernier, j’avais remarqué que des pommes de terre avaient germé. Des tubercules oubliés dans la terre lors de la dernière récolte avaient profité de la chaleur et des pluies du début d’automne pour entamer un nouveau cycle. Les plantes avaient bien évolué et j’ai donc récolté la petite production. C’est un plaisir qui se renouvelle chaque année.
Aujourd’hui, j’ai goûté les plus petites au four avec une persillade et juste une embrouille d’huile d’olive. Une embrouille, dans mon langage culinaire est une quantité non mesurable. Dans ce cas, je fais gicler quelques jets, à vue, en me fiant à mon bon sens puis je roule le tout pour assurer l’enrobage. Vous comprenez qu’une embrouille peut être d’aromates ou de toute autre chose.
I patati novi di Natali (les pommes de terre nouvelles de Noël) furent un régal. J’étais très étonné car en cette saison, il n’est pas rare qu’elles aient un petit goût terreux. Là non. C’était parfait.
Le soleil s’était invité à table à travers la vitre, inondait les visages d’une lumière tiède et chaleureuse. En fermant les yeux, je me croyais au début du printemps.
Je suis vite revenu sur terre, les petites filles arrivent dans deux jours et je suis certain qu’elles ne rêvent point de printemps.
Ici, le Père Noël n’est pas une ordure.
A ça j’y crois, c’est pour cela que je cultive mon jardin…
Je vous souhaite un bon Noël.