De l’art de cuire « a rivia ».

A rivia est une brochette confectionnée avec les abats du cabri, traditionnellement réservée au réveillon de Noël.

Je crois que cela ne se fait plus tellement de nos jours, les gens préfèrent frire les abats dans une poêle. Une cuisson à feu vif avec de l’ail, un peu d’échalote émincée finement et le tout déglacé avec du vin rouge.

Réussir sa brochette n’était pas une mince affaire. La griller à point était un art. Certains négligeaient cette étape importante, il n’était pas rare de tomber sur des morceaux trop cuits ou sur un extérieur carbonisé et un intérieur cru lorsque l’opération s’effectuait trop près des braises. La réussite d’une rivia savoureuse résidait dans la bonne conduite de sa cuisson.

La patience et le temps s’imposaient comme deux impératifs absolus.

Ma grand-mère commençait par enfiler les morceaux sur une broche fine adaptée puis commençait à les présenter au feu de la cheminée en tournant sans s’arrêter pour les chauffer un peu. C’était une opération délicate car très vite les bouts de viande tournaient sur eux-mêmes. Il fallait passer à l’étape suivante qui consistait à ficeler l’ensemble avec l’intestin grêle de l’animal, d’un seul tenant. De la sorte, on pouvait continuer à griller longuement, toujours loin du feu. Puis, on recouvrait avec la crépinette appelée le voile, et on arrêtait la cuisson lorsqu’elle commençait à croustiller.

Dans un bol posé sur le bord de la cheminée, A salamughja, une sorte de marinade avec de l’eau, du vin, de l’ail écrasé, du sel et du poivre, parfois du thym, servait à humidifier l’ensemble dès la première étape. Chaque couche se trouvait donc parfumée, les tout petits morceaux d’ail emprisonnés à chaque étape apportaient leur saveur caractéristique très prisée.

Le nettoyage de l’intestin grêle était une opération fastidieuse qui en décourageait plus d’un. Grand-mère se servait de la plus fine branche de petits ciseaux qu’elle enfilait dans le très mince boyau puis tirait sur celui-ci jusqu’à l’autre sortie. Le tube était donc ouvert sur toute sa longueur, plus facile à laver, à plusieurs reprises jusqu’à obtenir une eau claire.

On vous dira peut-être que cela ne se faisait pas tout à fait ainsi, je crois que chaque famille avait sa manière de procéder en variant la composition di a salamughja.

C’était un réveillon de Noël.
Cliquez sur la photo.

Une image intéressante qui témoigne des Noël de jadis. On remarque qu’il ne faisait pas très chaud dans nos chaumières. Sur la cheminée, trônaient deux quinquets (lampes à pétrole) toujours prêts à prendre le relais en cas de panne électrique. Les deux radios, le réveil et les photos toujours en vue. Notre présence était ainsi marquée dès que nous quittions la famille pour vivre ailleurs, souvent sur le continent. On me voit à gauche, sur le poste avec ma fiancée. La grande radio captait moins bien et ne quittait jamais sa place. La petite pouvait être transportée dans la chambre.
Grand-mère venait de tester sa rivia avec la pointe du couteau, le bol de salamughja qui doit être vide a été reposé sur la cheminée. Il était temps de passer à table, le réveillon de Noël pouvait commencer.

Qu’en pensez-vous ? Tristounet ?
Grand-père myope sévère quasiment aveugle à cette période, cherche le photographe.
Ce sont mes meilleurs souvenirs de Noël, je viens de là et par tous les chemins j’y reviens…

Avec eux, je me suis construit.

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