Où sont passées les couleurs du printemps ?

Un temps de Toussaint s’est installé, taquine Pâques qui ressemble au jour des morts.

Ce matin, le temps était plus vieux, très vieux, encore affublé de ses haillons d’automne, traînant ses cendres poudreuses qui montent de la vallée. Un temps mollotone, un temps mollasson endormi dans le brouillard, incapable d’écarter ses rideaux qui grisaillent le paysage. Un temps têtu, butté, refuse de faire place au jour radieux qui tambourine derrière avril. Le ciel est livide presque lavide, lavé, trempé, trompé, lessivé, lascif, inerte, empaqueté dans un coton gris de maladie. Un coton devenu lourd et pesant de lassitude. A peine un souffle et soudain des coups de balais rageurs qui soulèvent et torturent la brume qui se vrille, tourbillonne puis se déchire laissant percer quelques gouttes d’or vite occultées par une nouvelle bouffée de fumée épaisse.

Que sont devenues les fleurs des champs ? Le peintre céleste a rangé sa palette printanière, seuls les muscaris à grappe ont livré leur azur profond faisant croire aux oiseaux qu’il était temps de chercher un endroit abrité pour la couvaison nouvelle. Le merle papillonne, file du genêt touffu au forsythia squelettique qui n’ose sortir ses papillons dorés à la lumière éclaboussante. Merle semble hésitant. Merlette le sermonne, ils se chamaillent et pestent contre le temps.

L’eau est partout. En gouttelettes, en flaques, en résurgences, le fleuve gronde au fond de la vallée. Les nuages arrosent inlassablement. Tantôt la bruine ou le crachin, tantôt des cordelettes obliques fouettent les talus. Tantôt la grêle fine et légère sautille et caresse le sol, tantôt des grêlons ravageurs de bourgeons tambourinent sur les toits et menacent de briser les tuiles fatiguées par les ans.

Où sont passées les couleurs d’antan ? Où sont les fleurs des champs ?
Elles sont cachées de peur d’être lavées, trop vite froissées. Elles dorment encore un peu car le printemps lambine. Il musarde ou flemmarde mais bientôt, il bondira dans les prés et les champs. Il a promis la gambade folle, le spectacle sera lumineux, les couleurs éclatantes.

Voici son portrait tiré au ras des pâquerettes*, c’était un autre printemps.

*Au ras des pâquerettes = ici, au ras du sol.

Cliquez sur les images.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *