La tronche.
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Les plaisirs saisonniers du jardin se perpétuent en images en stockant des photos comme on fait des conserves pour l’hiver.
Je n’imaginais pas, en empilant ces trois ingrédients pour réaliser ce bonhomme banal, bancal, marqué par les facéties de la vie, en venir un jour à remodeler le personnage. Comme un insatisfait de la nature, soucieux d’améliorer son portrait pour plaire à tout le monde, voilà qu’il se dépersonnalise après chirurgie esthétique.
En m’amusant de la sorte, je me suis souvenu de ma tante Marie avec laquelle je vivais dès la préadolescence. Vieillissante, elle se faisait teindre les cheveux pour paraître plus jeune. Teintures faisant et refaisant, elle finit par avoir chevelure d’un pâle violet. C’était original pour une époque qui ignorait ce genre d’extravagance capilaire. Le virage fut long et progressif, favorisant une lente adaptation.
Je me souviens, c’était l’époque de mon éveil à l’écriture, je m’intéressais aux fables et lui écrivis un texte calqué sur le mode lafontainien avec une morale au bout de l’histoire. Je crois qu’il était titré « Le corbeau et la colombe » ou « Le corbeau qui rêve de se faire colombe »… puis se fait pigeonner. La morale vous la devinez, elle encourageait à rester soi-même sans renier ses travers. Le corbeau était las d’être pourchassé pour mauvais augure à cause de sa couverture de jais. Il s’en méfiait tant que son odorat sentait la poudre de loin, le rendant difficile à plomber puisqu’il fuyait toujours avant le coup de fusil. Il rêvait d’être une colombe. Un jour, survolant un moulin à farine, il plongea puis se roula dans un sac resté ouvert. Devenu tout blanc et fier de son nouveau plumage, il se trouva beau et prêt pour une nouvelle aventure malgré son bec noir et massif. Il s’envola tout heureux et en quelques tire-d‘ailes se transforma en corneille. Tous ses amis se moquaient de lui, le nommaient marchand de neige puisqu’il perdait une bonne partie de son poudrage en ramant dans l’air, ne gardant que quelques plages blanchâtres qui lui donnaient un air de corneille. Un temps, il s’éloigna de sa corbeautière* et attendit la pluie pour se débarrasser définitivement de sa mauvaise idée. Depuis ce jour, l’imposant passereau reprit sa vie normale et n’envia plus jamais les autres oiseaux, fussent-ils aux couleurs psychédéliques.
Le froid et le mauvais temps ont du bon en vous collant devant la cheminée. C’est le silence dans la chaumière. Seuls quelques murmures dans l’âtre, les bûches papotent de leur bout incandescent, les charbons ardents rigolent d’étincelles, la flamme orange et bleue danse comme une gitane, la fumée se tortille et volute une autre histoire. Notre esprit vagabonde et se mêle à la conversation cherchant dans un lointain passé quelques images souriantes. Il raconte une autre histoire en tirant à la vie ceux et celles qui ont égayé votre enfance.
La pomme, la tomate et le basilic, ce pourrait être le titre d’une autre fable…
*Corbeautière= l’endroit où nichent les corbeaux par colonie.