Le plus difficile, dans la vie, c’est d’intégrer la notion de temps. Certains diront : « le temps ne s’intègre pas. Il vous traverse, vous transperce, vous ignore et vous ballote… » Certes.
C’est en lisant une réaction à l’un de mes textes – « David n’a pas vaincu Goliath » du 25/07 – que l’idée m’est venue de suggérer mon interprétation de la question. Cette personne qui se reconnaitra m’avait livré l’hommage d’un fils à son père disparu…
A la lecture, la notion de temps m’a frappé l’esprit : pourquoi attendre le dernier instant ou plus exactement l’instant d’après pour dire son affection, son amour, son bonheur d’être le fils, le père, la mère, l’amoureux ou l’amoureuse ?
Concomitamment, le texte de Gabriel Garcia Márquez en fin de vie m’est revenu de plein fouet.
Voici un extrait de sa lettre écrite en fin de vie aussi : « Le lendemain n’est assuré pour personne, jeune ou vieux. Aujourd’hui ce peut être la dernière fois que tu vois ceux que tu aimes. N’attends donc pas davantage, agis aujourd’hui parce-que demain n’arrivera peut-être jamais et que sûrement tu regretteras le jour où tu n’as pas pris le temps d’un sourire, d’une étreinte, d’un baiser et où tu as été trop occupé pour leur adresser un ultime souhait. »
Est-ce que la vie nous accapare autant, pour n’être conscient de tout que lorsque la mort nous fait sentir son étreinte ?
Il y a bien longtemps que j’ai pris le parti de m’embarquer avec le temps. Le temps moqueur, le temps insouciant, le temps ignorant, le temps tueur, peu m’importe, je préfère m’embarquer avec lui plutôt que le regarder passer sans le voir. J’embarque mon radeau, modeste embarcation, sur sa vague cherchant à naviguer un peu. Ce n’est pas le paquebot stable et confortable car sur ces flots c’est l’onde qui commande. Sur mes troncs vaguement attachés, je vis les instants durs et les moments doux d’accalmie. Je vois, car je suis debout, arque bouté pour ne pas chavirer trop tôt. Je me donne le droit à l’illusion de conduire un peu aussi. Et surtout, je refuse d’être le fétu de paille balloté, sans conscience et qui parvient au bout du chemin en ne comprenant pas ce qu’il lui arrive. Je cultive mon semblant de libre arbitre… je veux dire que je vis, je suis vivant et j’y tiens.
Je ne m’embarrasse plus des scories d’autrui mais je souris. Je souris plus, car il me pèse d’encombrer davantage ce parcours de vie.
Ce que j’ai à dire, je le dis ici et maintenant. Ça s’appelle « le carpe diem » mais aussi l’épicurisme et parfois, poussé plus avant, l’hédonisme.
Je n’ai aucune méchanceté foncière en moi et lorsque j’agis mal, j’agis en humain et le fais savoir. Mon épitaphe débute ainsi : « Je suis venu, j’ai vu et je n’ai rien compris… »
Mon épitaphe ? Déjà ? Oui, déjà car la mort est toujours à mes côtés, non par morbidité (par maladie et non idée de mort comme on le croit trop souvent) mais parce que la mort fait partie de la vie et qu’elle est là pour nous le rappeler.
La vie n’est que contrastes et la mort est son contraste ultime.