Une science trop humaine.

Qui est passé par la case philosophie n’a probablement pas échappé à la fameuse dissertation : « La science est-elle humaine ? »

Nous n’étions pas encore rompus à la réflexion multipistes. En toute innocence, nous explorions la partie visible d’une question c’est à dire celle clairement exprimée dans le sujet. Dans le cas présent, nous focalisions toute notre énergie à démontrer que la science est humaine en tentant de confirmer que toute avancée, tout progrès n’était que bénéfice pour l’homme. Nous étions à une époque où les sujets d’écologie, de manipulation génétique n’en étaient même pas à leurs premiers balbutiements ou alors bien cachés dans le secret de centres de recherche.

Notre professeur qui était un excellent enseignant sachant sortir des codes habituels et des schémas d’enseignement étriqués, savait digresser lorsque cela lui semblait nécessaire. Il était capable de changer radicalement le cours du jour pour filer vers d’autres horizons à la faveur d’un fait inopiné ou induit par un élève. Je me souviens d’André, aujourd’hui médecin, qui avait écrit au tableau avant son arrivée :

– Fais-moi souffrir !
– Nooon !

M. Peretti, c’est le nom du prof, s’était arrêté net devant le tableau, quelques secondes seulement, puis se tournant vers nous déclara : « Bon ! Aujourd’hui nous allons parler du sadisme et du masochisme ! » Sans aucun élan, il enclenchait avec les stoïciens pour aboutir à la phrase du jour. Tu t’en souviens André ? Je sais qu’il t’arrive de lire certains de mes textes, cela fait cinquante ans que nous ne nous sommes revus.

Pour en revenir au sujet, notre formateur de terminale remit de l’ordre dans nos idées en explorant les trois axes qui tournent autour du mot « humain ». La science est a-humaine (lois physiques totalement indépendantes de l’homme) , inhumaine ( déchirante, douloureuse, dérangeante, sans pitié dans certaines de ses composantes…) et finalement le côté humain ( l’aspect bénéficiaire pour l’homme en même temps que le côté manipulation que l’homme peut introduire..)
Le penser par soi même était à bonne école, notre vision des choses ne n’arrêtait plus à la première piste entrevue, nous marquions un temps d’arrêt pour tenter d’envisager d’autres voies possibles d’exploration. De nombreuses personnes qui émettent des avis tranchés en se référant à leur logique personnelle seraient bien inspirées de se rapprocher d’une forme de prospective avec une bonne prise de distance. Cela évite de se jeter dans le ravin en toute bonne foi. Dans nos quartiers, les anciens disaient « Lampassi in Sambucconu » lorsqu’un jugement était trop hâtif. Sambucconu était une pente raide bordée de sureaux (sambuccu ) dans un quartier de Lévie, il fallait être prudent dans la descente.

Alors que dire des sciences humaines sinon qu’elles sont trop humaines ? Trop connotées par les approximations ressenties lors d’une approche clinique. Je me souviens d’un enfant qui avait dessiné un arbre ressemblant vaguement à un saule pleureur (je dis vaguement car c’était plus commode pour en tirer une fausse synthèse). La psy avait conclu que le père devait être impuissant. L’enfant était donc sorti du Saint Esprit. Le pauvre papa en a eu vent et depuis ce jour, son enfant ne dessinait plus que des pins et des sapins au risque de mettre la puce à l’oreille d’un autre psy concluant à un sévère priapisme paternel. On n’en sort plus.

Une autre fois, un triste papa avait une allure bizarre, coincé, constipé… Il n’écoutait rien, n’avait qu’une hâte, fuir. Ce qu’il fit rapidement, il avait la chiasse.

Un gamin répétait à qui voulait l’entendre qu’il mangeait du fer. La psy insistait, tu manges des épinards, des lentilles ? Non du fer. Elle cherchait à comprendre en induisant des réponses dans ses questions orientées. Elle pensait avoir compris et cherchait à lui faire dire ce qu’elle voulait entendre. Elle a fini par croire qu’il avait une maladie, une sorte de carence en fer dans les hématies. C’est en discutant de manière relâchée avec lui, sans envisager de piste possible mais en écoutant, parlant le moins possible, que j’ai compris qu’il mangeait du FAIR au désert. C’était une crème type « Mont Blanc » très en plaisir à l’époque.

Certes ce sont des caricatures extrêmes mais il faut reconnaître que les sciences humaines, la psychologie notamment, laissent trop de place au ressenti. Avec de l’expérience, on finit par être plus prudent… Hélas, la science une fois établie est connaissance qui n’a rien à voir avec la prudence.

H2O, deux molécules d’hydrogène et une molécule d’oxygène ça mouille, on aura bien du mal à trouver de l’eau déshydratée pour faire des économies d’emballage ou alors, la science n’a pas fini de nous surprendre, c’est une certitude.

dsc_8707On retrouve le côté humain, inhumain et a-humain jusque dans les ruines.
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