Parfois, je me demande si mes textes ne sentent pas trop le remugle. Ce côté vieillot qui parle d’aujourd’hui en traînant un passé qui commence à dater.
Comment se complaire dans un tel registre décoré de toiles d’araignées ?
Ce sont des réminiscences sans doute. J’avais été marqué par un texte de rédaction d’un élève de troisième qui semblait parfaitement coller à la réalité de ma vie d’alors. Il était question de découvertes en fouillant dans un grenier. La description était parfaite. Toute la panoplie de noms ou d’adjectifs évoquant le vieux y figurait. La poussière en suspension dans un rai de lumière, le cuir fauve, sec et craquelé, la malle débordant de fripes surannées, le bois fissuré, farineux, mis à mal par les termites, la fine sciure qui s’élevait à chaque pas. Les sonnailles en cuivre du dernier mulet attaquées par le vert de gris, jetées dans un coin sombre. Une odeur de remugle née d’un mélange de moisissures et d’humidité ambiante communiquée par des tuiles poreuses gorgées d’eau telles des éponges, emplissait le grenier. Comme un compte gouttes avare, la toiture assurait la continuité de l’humidité entre deux journées de pluie. L’hygrométrie élevée était permanente. Cette description, que j’ai enjolivée, complétée à dessein, m’avait frappé laissant une estampille définitive, un tatouage indélébile. Les caves et les greniers étaient un lieu de vie chez nous. Nous entreposions huile, fromage et charcuterie à la cave, noix, figues sèches, pommes et châtaignes au grenier.
Plus d’affinage, on trouve la saucisse sèche au mètre.
Aujourd’hui c’est plutôt frigo, congélo. Canettes frappées et boissons bien sucrées. On ne met plus les pieds dans une cave ou un grenier. On va dans la remise bien éclairée, un cellier bien aménagé. Une sorte de petite épicerie de secours qui regorge de conserves en tout genre, du tout appertisé le plus souvent. On ne flâne plus au grenier devenu combles aménagés ou combles perdus, mais nickel, sans le moindre objet égaré qui prends de l’âge par abandon. Rien ne ressemble plus à une pièce ordinaire, chambre ou salle de jeux, qu’un comble d’aujourd’hui.
Décrire un endroit sous toiture n’a plus grand intérêt. Il suffit de copier à côté, la pièce est ordinaire ou ne surprend que par un décor original d’architecte. Plus rien ne dénonce les stigmates de naguère, plus rien n’évoque l’antique coucou d’un bisaïeul, la capeline d’une grand-mère ou le vieux berceau de l’oncle entreposé là en prévision d’une future naissance dans la famille. Les cartes postales jaunies qui retracent les chronologies font partie de l’histoire ancienne, aujourd’hui tout est informatisé, classé de sorte qu’un simple clic évite tout effort de recherche et de découverte.
Dans quelques décennies, peut-être trouvera-t-on dans un archaïque logiciel tout un passé stocké. Peut-être aussi, le progrès aura-t-il fait un tel bond que la clé USB tombée en désuétude ne saura plus ouvrir aucune porte faute de branchement adéquat.
Les grands-pères et grands-mères d’aujourd’hui ne sentent plus le vieux, ni la naphtaline. Ils sont encore là, alertes parfois casse-pieds. Ça vit trop longtemps, il est grand temps qu’ils s’en aillent, si possible en maison de retraite en attendant la fin et qu’on passe à autre chose.
Le vieux ça suffit ! On veut de l’électrique, du giclant, du pimpant. Au feu les descriptions nostalgiques et la poussière qui fait tousser !
Basta ! Nous voulons mourir vivants, neufs encore, pas comme de vieux croûtons. Et qu’ça saute !
Ok ! Bon ça va ! Laissez-moi finir mes fonds de pots, après c’est promis, je vous fiche la paix ! Vous aurez du neuf. Hum ! Vous croyez ?
Ça existe un grenier sur un toit ?
J’aime ça :
J’aime chargement…