Et si on se disait la vie ?

« Je suis né dans un champ d’herbes folles, j’ai grandi au milieu des broussailles, pendant que d’autres se plaignaient de cette condition, je me suis pris pour un coquelicot et j’ai souri à la vie »

C’est en fouillant dans mes archives pour trouver quelques idées, que j’ai déniché cette citation.
Je connais l’auteur, il a maigre audience mais comporte pas mal de mots à son compteur. C’est un vrai distributeur de vocables, écrire est un de ses plus grands plaisirs. Il sème les mots au vent et se dit « écrit-vent » aujourd’hui, après s’être toujours désigné écrivant, jamais écrivain.
Ecrire au vent pour être « écrit-vent », le satisfait pleinement alors qu’il file vers la fin de son histoire.
Il imagine volontiers, en parfait follet à l’esprit léger mais vif, un peu insaisissable, rarement au premier degré, qu’un dernier souffle éolien éparpille ses idées au-dessus du cimetière afin d’établir conversation avec les âmes qui rôdent encore autour de la vie. Une sorte de saupoudrage d’humeurs suspendues dans l’air afin que, qui le souhaite, les hume et les gobe à l’envi.
Il aime la vie, alors il se prend pour un perlimpinpin qui dissémine poudre olfactive à tous vents.
Il aime rêver de choses impossibles, allez savoir pourquoi !

Allez savoir pourquoi, il déroute souvent.
Il se plait à penser « Je doute, je déroute et donc je suis ! »

Voyez ce magnifique parcours, ces rebondissements perpétuels, ces surprises au coin du bois, ces sauts et ces gambades, ces contrastes très marqués pour mieux célébrer la vie.
Et pourtant, malgré ses mille et une vies, on dirait un lémurien toujours surpris, les yeux ébahis.
Il s’émerveille d’un rien, un rien l’envole dans l’étonnement d’une découverte nouvelle. Ses proches le surnomment « l’extraterrestre ».

L’émerveillement est au bout de sa chaussure, un cloporte tout noir, roulé en bille, quelle surprise !
Quatorze pattes, rendez-vous compte ? Pourquoi quatorze ?
Imbécile ! On ne pose pas ce genre de question, c’est de la métaphysique, tu comprends ?
La méta quoi ? Métaphysique le rapport à un être divin, à la création ! Faut pas fouiller dans ces choses-là, c’est perte de temps. Un suprême divin ne t’éclairera jamais. C’est son affaire et puis c’est tout !

Notre homme est donc né dans un champ d’herbes folles, qu’a-t-il bien voulu dire en écrivant cela ?
Ben, que son champ était en jachère peut-être en friches, on y récoltait du sauvage.
Oui, du sauvage mais quelle beauté dans ces choses nées en totale liberté !
La liberté dans le sauvage est source d’embûches, on se pique le nez à fouiller dans les ronciers…
C’est là, dans cette nature inapprivoisée que poussent le coquelicot, le lupin, la vipérine, le compagnon blanc, l’églantier; c’est là que chantent les cigales et les criquets, c’est là que fouine la couleuvre, que les chardonnerets « chardonnent » en courant de carde en carde visiter leurs fleurs.
C’est là que le porte-cœur, le clytre et le clairon des abeilles, même celui des fourmis, enchantent le photographe entomologiste.

Vous savez, cet homme, lorsqu’il était encore enfant, ouvrait grand ses yeux et s’émerveillait d’être vivant.
Il écoutait, il réfléchissait sans jamais se plaindre de sa condition modeste.
Les siens, dans sa flore sauvage, dans son biotope, le faisaient rire, l’aimaient et rêvaient sur sa vie future de coquelicot.
Toi, semblait dire papa, tu seras ma revanche ! Mais il ne le disait pas, il le pensait très fort.
Toi, disait tata, tu seras le premier à ramener un diplôme dans ma famille, elle le disait très haut pour qu’on l’entende et le sache.
Toi, disait grand-père, tu seras pharmacien, je le sais.
Toi, disait grand-mère, tu seras ce que tu voudras mais je pense que ta vie sera belle. Elle souriait en me tenant par la barbichette… Petit coquin !
Mère ne disait rien, elle pensait secrètement…
Quand elle me voyait arriver au bout d’une année d’absence, elle reniflait dans l’air, trois fois consécutives, machinalement… c’était un tic d’accueil, non pour me sentir, elle manifestait ainsi sa joie de me revoir en inspirant fortement…


Celui qui a écrit l’aphorisme en début de texte, c’est moi, il y a bien longtemps, je ne m’en souvenais plus.

Comme un coquelicot, je coquericoterai tant que vie sera.

Coquericoter…
La vie n’est pas simple…
Flagelles au vent…
Puis dans sa robe de gitane…
S’en va…

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