J’avais l’impression d’être arrivé tout près du paradis.
En levant les yeux au ciel, il me semblait qu’il n’y avait plus rien à escalader, j’étais parvenu au bout de toute ascension.
Je n’avais pas gravi l’Everest, certes, l’aventure était plus modeste et moins risquée.
Faut-il se mettre en danger pour atteindre l’Eden ?
Un ciel d’azur, quelques nuages, l’espace recouvert de végétation rase et de rocaille, une eau tranquille serpentait mollement, à petits clapotis à peine audibles… tout ici était calme et sérénité.
Une sensation étrange de modestie induite par le lieu, me rappelait l’infinie fragilité de la vie et la vacuité d’un orgueil mal placé.
Là, l’humain dépouillé de tout pouvoir, se tait et regarde.
Il visite le ciel, offre sa poitrine au souffle qui passe sans s’attarder, Eole voyageur, léger dans son aventure, a besoin de grands espaces pour chanter les notes du vent.
Aujourd’hui, sa musique était douce, mes cheveux frémissaient à peine, sa caresse semblait amicale, m’adressait un simple bonjour en coup de vent, j’étais livré au temps.
Seuls, les buissons bas et épineux, presque tête basse d’avoir subi les bises hivernales, rappelaient la dureté des jours froids, les matins brumeux, les après-midi de pluie battante, les crépuscules de neige abondante et les nuits glaciales.
Comme une sagesse sortie du temps, une quiétude printanière de saison, presque de raison, enveloppait l’errant que j’étais… perdu, entré en solitude.
Une beauté infinie me laissait coi.
Je regardais le ruisseau où se mirait le ciel, le bleu cæruleum un peu soutenu.
L’azur céleste devenu terrestre puis aquatique, déposé par un effet miroir dans l’onde à peine frémissante, m’appelaient à admirer l’infini.
Cet infiniment grand, d’une pression douce me rappelait que j’étais invisible.
L’air frais, juste tempéré, revigorait mes joies contenues.
En cette timide pâmoison, je gobais l’air pur à petites bolées, tout n’était que sourire et quiétude, à chaque pas tranquille, égoïste, baigné dans cette terrestre douceur, je voulais garder le secret.



