Diaspora.

Je fus de ceux-là.
J’avais demandé un poste d’instituteur dans mon île, je n’ai pas reçu de réponse.
L’urgence, puisqu’on ne peut vivre éternellement aux crochets de parents désargentés, le bon sens paysan, aussi, puisqu’il était temps d’être une aide et non un boulet et puis je fondais famille, tout cela m’avait conduit à chercher fortune jusque dans le Pas-de-Calais.
Pas de Calais en vue, c’était indiqué sur le panneau, me voilà dans les Yvelines.
Une chance.

Une grande chance.
Je l’ai mesurée cinq ans plus tard, alors que j’étais bien installé et que j’avais progressé à bottes de sept lieues, voilà que ma chère Corse se rappelle à mon bon souvenir et me propose un poste de remplaçant à Zonza.
Devais-je plier bagages et repartir à zéro ? C’eut-été une hérésie.
J’ai progressé très vite, je suis passé par tous les postes, instit, prof de sciences naturelles avant de me spécialiser dans les rééducations de la dyslexie, dysgraphie, dysorthographie et dyscalculie. Tout passait par dix, pardon, par « dys » comment vouliez-vous que je prenne mes cliques et mes claques pour « disparaître » et rejoindre mon île ?
En fin de parcours, l’appel du maquis fut plus fort et m’attira inexorablement dans les bruyères, les genêts, cistes et lentisques. Tous ces parfums comme celui de l’immortelle, chère à mon enfance et aux feux de la Saint Jean, m’avaient régénéré. J’appréciais grandement ce retour à la terre pour, enfin, cultiver mon jardin comme le fit mon père avec le sien.
Un moment très attendu, j’en rêvais souvent et ce fut un vrai bonheur que je poursuis encore aujourd’hui, cahin-caha.
Hélas, en contrepartie, j’ai mesuré le déclin d’une fin de carrière qui pourtant promettait joie d’un jour de l’an chinois..
Je découvrais que j’avais bien agi en ne revenant pas, illico, assurer un poste de remplaçant à Zonza alors que j’étais titulaire à Versailles.
Je l’ai déjà dit, « Titulaire » un doux mot qui clinquait agréablement à l’oreille de maman.

Mon retour, fut une belle histoire avec les enfants de l’école de mon enfance mais un cauchemar, que dis-je, quasiment une catastrophe dans ma carrière qui partit en vrilles.
Il n’y avait pas de poste pour moi, j’ai encore changé de métier en me retrouvant dans une classe, un peu perdu, obligé de jouer au débutant déjà vieux. Un débutant avec un passé bien marqué, qui devait casser ses codes mais qui a préféré les garder pour poursuivre sa carrière comme il l’entendait. Une manière toute personnelle carrément en marge de la pratique habituelle du métier d’instit.
Avec mon caractère de cochon, c’était une découverte car je n’étais pas ainsi, une sorte de réaction mal placée, j’ai refusé toutes les inspections. J’avais mes raisons, on m’avait fait tant de promesses non tenues.
J’ai dû quitter l’Education Nationale avec la plus mauvaise note des partants à la retraite de l’île de Beauté alors que j’étais rentré avec la meilleure note des Yvelines à mon échelon.

Ce retour tant attendu vira à la galère professionnelle et cette fin de parcours que j’imaginais feu d’artifice, fut à peine, petit, tout petit feu de Bengale qui fit pschiiiiit pouf !

J’étais pourtant ce « diasporiste » obligé de diasporiser, qui revenait plein d’usage et raison.
Plouf ! Ulysse m’avait poussé dans l’eau et je barbotais pour ne pas me noyer. 😉

L’usage et la raison sont-elles toujours des qualités ?
Encore faut-il les détecter pour que raison en fasse bon usage !
Sont-ce les meilleurs qui trônent aux bonnes places ?
Je vous laisse le soin de répondre à ma question.

Très attendus en août, les Cervi revenaient de Paris.
Loulou, encore enfant, résidait à Paname.
A droite, mon grand oncle Rigobert imitait Francis Blanche 😉
Simon, moustaches presque daliennes, paradait à Versailles.
Denis revenait de Toulon.
Roger débarquait du Maroc, Pierre Paul et Bona de Paris… Les incorrigibles facétieux se prenaient pour des champions de pétanque.
Papa et son beau frère Jean (dit Jean Pays) de l’Isoritu faisaient les beaux à Marseille.
Père était de passage.
Charlot avait définitivement quitté Paname comme il disait.

Avec l’oncle Charlot, j’ai appris la survie dans la nature, chasse, pêche et cueillette n’avaient plus aucun secret pour moi. J’ai même été assailli par la pétoche lorsque nous revenions de braconnage et qu’il saluait allègrement le garde pêche sur le chemin du retour… sa musette frétillait encore.
C’était un phénomène qu’il valait mieux avoir de son côté… avec moi il était docile, un oncle bienveillant.

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